Miilie S.

Chapitre 2 :
Victor
«…Sans plus réfléchir, je toque et attends une réponse qui ne vient pas. Ma patience ayant disparu, j’ouvre et entre. Assis derrière son bureau, il ne daigne même pas relever la tête.
— Tu as appris la politesse depuis la dernière entrevue ? demande-t-il, narquois.
Sa réplique ne fait qu’augmenter mon agacement. S’il se croit malin, dommage pour lui, je le suis encore plus.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez et je vous prie de rester sur le vouvoiement.
— Si je me souviens bien, ce n’est pas ce que tu disais quand tu avais ma queue au fond de ta gorge.
Mon pied se projette dans le battant pour le fermer dans un bruit sourd. Intérieurement, je bous. Comment ose-t-il évoquer cette foutue soirée sur notre lieu de travail ?
Peut-être car tu as fait ton connard ?
— J’espère pour vous que personne n’a entendu les balivernes que vous venez de déblatérer !
— Balivernes ? Tu dois avoir un sacré souci de mémoire ! Je te rappelle que c’est toi qui m’as fait du rentre-dedans, ce soir-là ! C’est toi qui m’as chauffé et qui, accessoirement, m’as taillé une pipe. Si tu n’assumes pas, ce n’est absolument pas mon problème. J’ai passé l’âge pour ce genre de conneries.
Dans une colère sourde, je pose violemment mes deux poings sur son bureau, provoquant son sursaut. Son regard s’accroche au mien, son apparente décontraction augmente un peu plus mon énervement. Il ne baisse pas les yeux, visiblement fier de se croire tout-puissant.
C’est plutôt toi qui es dans une merde noire, mon vieux ! …»

Prologue :
Luce
«… Un bruit de papier me ramène à la réalité.L’intrus vient de piocher dans mon carnet, me dérobant un précieux morceau de pommes de terre.
Il ne tient vraiment pas à sa vie, celui-là !
— Rends-la-moi tout de suite ! grondé-je.
Un sourire de petit con insolent illumine son visage, mon comportement l’amuse, mais ce dont il n’a pas conscience c’est que, niveau nourriture, je ne rigole pas.
— Sinon quoi ? s’intéresse-t-il en se foutant ouvertement de ma gueule.
— Si toi tu n’as jamais mangé personne, comme tu me l’as signifié tout à l’heure, dis-toi bien que moi je suis du genre à exterminer celui qui touche à ma bouffe. Alors, un conseil, repose-la immédiatement, sinon ça risque de très mal se passer et je suis persuadé que tu ne veux pas savoir de quoi je suis capable pour une frite.
Son regard malicieux s’ancre à moi, sa main se met en mouvement et la rapproche dangereusement de sa bouche, juste pour le plaisir de me provoquer. Mes doigts s’entourent trop tard autour de son poignet, il l’a gobée. Il m’est impossible de rétorquer quoi que ce soit tant le contact m'électrise. Un éclair de folie me traverse, je ne réfléchis plus.
— Et puis merde !
La table n’est pas bien large, j’ai à peine besoin de me pencher pour atteindre ses lèvres …»

— Je suis désolé de toute cette souffrance que je t’ai infligée, vraiment. J’aurais dû te foutre la paix, mais je suis bien trop égoïste pour te laisser aux bras d’un autre. Tu es la lumière de mes ténèbres, Luce, le rayon de soleil en pleine tempête. Si tu savais à quel point je t’aime.