AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enkidu_


Rivers fit progresser l'histoire de la pensée en attirant l'attention sur ce qui différencie notre usage des mots « vivant » et « mort » de l'usage que les Mélanésiens font de termes analogues. Nous établissons une ligne de démarcation stricte entre la vie et la mort, alors que les Mélanésiens établissent la démarcation entre une bonne et une mauvaise santé, dont la mort n'est que le point culminant. Leur mot mate s'applique à tous les degrés d'une vitalité amoindrie, de la faiblesse due à la faim, la fatigue ou la maladie à l'extinction complète ou au fait de « mourir fini », comme on dit en pidgin. L'inverse de mate est mbula qui veut dire vivant, bien-portant, vigoureux. On peut être plus ou moins mbula, comme on peut être plus ou moins mate. Non qu'ils ne distinguent pas le moment où un homme meurt sans espoir de retour, mais la disparition finale n'est pour eux qu'un terme dans une longue série. Même quand ce terme est atteint, il n'est pas tout de suite irrévocable, puisque dans le cas d'une mort soudaine, ils pratiquent une cérémonie, « l'appel de l'âme », qui vise à la faire revenir et à ranimer le corps. Ce n'est qu'après l'échec de cette cérémonie qu'ils considèrent la mort comme définitive.

L'erreur de Rivers fut de croire que cette conception était « primitive », qu'elle caractérisait les premiers stades de la pensée humaine, propres aux peuples situés à un bas degré de civilisation. En réalité, on la retrouve chez des peuples tenus pour « avancés », comme ceux de l'Inde. Les Indiens du temps des Veda opposent ayu, la vie longue et vigoureuse, à la maladie et à la mort. Ils ont un autre mot, amrita, généralement traduit par immortalité, mais qui voulait dire exactement « qui n'est pas mort ». À l'évidence, il ne peut pas vouloir dire immortel au sens où nous l'entendons, c'est-à-dire indestructible, puisqu'il désigne « une centaine d'années ». C'est en réalité la vie pleine et entière par opposition à tout ce qui conduit à la mort. L'objet du rituel est de s'assurer une vie complète et d'éloigner le mal, non pas le mal moral ou le péché, mais la maladie et les autres maux physiques. (chap. XI)
Commenter  J’apprécie          00









{* *}