Camille Hubert Crips

Cet endroit était magique, mystique, il m’éblouissait. Les feuilles des arbres par les lueurs jaune orangé du soleil se coloraient d’un rouge grenat. Les branches s’éclaircissaient et émettaient un marron lumineux, la végétation entière était éclatante. Seules ces bêtes assombrissaient la beauté de ces espaces. Les deux animaux révélaient force, grandeur et... tant de peur, mais ils étaient majestueux. Chaque geste qu’ils entreprenaient étaient avec grâce. Ils exhibaient leur fierté et leur vigueur. La force qu’ils pouvaient avoir dans une seule patte, ces fourrures impressionnantes qui affichaient leur robustesse et leurs yeux magnifiques était d’une éclatante beauté. Jamais je n’eus le plaisir de contempler d’aussi beaux yeux. Les reflets représentaient toutes les différentes gammes de verts dans les forêts. De plus, leurs regards étaient intenses, puissants, des éclats de diamants illuminaient ces prunelles stupéfiantes. De leur beauté fascinante, ces deux ours n’en étaient pas moins dangereux.

— Je ne suis pas en danger.
— Si, car si tu vois les esprits de la forêt, eux le ressentent et voient que tu n’es qu’une humaine ne possédant aucune mutation. Certains esprits n’aiment pas les humains et s’en servent comme... divertissement, si je puis dire, puis les tuent. Nous ne voulons pas que cela t’arrive, tu es unique.

« Toutes ces pensées qui envahissent ma tête, nourrissant mon imagination, sont insensées. Je pense trop, je rêve trop, j’imagine trop. J’ai peur de l’avenir, mon avenir. Arriverais-je à entreprendre le métier que je veux pratiquer ? Arriverais-je à ouvrir enfin mon cœur, à aimer sincèrement ? Arriverais-je à me libérer de toutes ces souffrances qui m’oppressent ? Ma naïveté s’en ira-t-elle avec le temps ? Mon amour pour la nature, la musique, la liberté disparaîtra-t-il ? Toujours et toujours, j’y pense, j’ai peur, je m’angoisse... Bien sûr que je réussirai ma vie ! Je veux y croire, je suis une personne sérieuse, entreprenante et courageuse, sincère, mais tellement obstinée, maladroite et naïve. Pour mon âge, je me pose trop de questions. Je devrais m’amuser comme les autres adolescents, rire et pleurer comme eux, profiter de l’instant présent... comme eux.

Pour moi l’amour, c’est le désir. Le désir d’être avec l’autre, d’être l’autre, mais c’est inexplicable. Je n’ai jamais rien compris en matière de sentiment et ce n’est pas maintenant que je vais pouvoir y comprendre quelque chose. Pourtant, je sais que l’amour sincère que d’autres appelleront l’amour pur est rare, très rare. Seuls les personnages de roman ont pu le vivre pleinement avec douleur parfois, car l’amour c’est aussi de la douleur, la douleur de perdre celui ou celle que l’on aime, de ne plus être aimé ou même de ne plus aimer. Comme tout adolescent de mon âge, je commence à me faire mon idée sur les émotions qu’éveille l’amour, mais aimer je ne sais pas ce que c’est.

Dans ce monde qui détient ma vie, l’éternité n’existe pas, j’aimerais tellement te retrouver et tout recommencer. Tu me manques, je ne suis plus la même. J’ai perdu tout sentiment, je ne sais plus qui je suis. Et toi, tu m’as abandonnée dans ce monde de barbares. Tu savais ce qui m’attendait et pourtant tu m’as laissé tomber. T’avais pas le droit de faire ça ! Pourquoi ?
Effondrée par le chagrin, je m’abandonnais au désespoir. Couchée sur le sol, mes larmes coulaient. Elles reflétaient la douleur que je ressentais. Il me détruisait, me rongeait. Le sentiment d’abandon était douloureux – je n’aimais pas ce sentiment – c’était le plus terrible.

Je n’aime pas trop les matières littéraires, cela m’endort. En fait, la vie m’endort. C’est une succession de défaites et de mésaventures avec très peu de moments de bonheur. Pourtant j’aimerais tellement qu’il m’arrive quelque chose de fantastique, de merveilleux que je n’ai encore jamais connu. Un sentiment si fort et intense que vous donneriez votre vie pour en goûter seulement quelques morceaux. Ce serait un sentiment, une passion réciproque. Une histoire que je voudrais vivre, que j’aimerais raconter. Le mien, j’en rêve encore. Je le veux pur, fort et intense. Ce sentiment, c’est l’amour. Mon amour, celui que vous donneriez à un être aimé.

Cette biche était majestueuse, elle sortait du pays des rêves, elle était unique. L’animal se rendit compte que je l’observais puis elle prit peur et galopa en s’enfonçant dans les bois. Je compris que cet animal avait un lien avec les voix que j’entendais ainsi que mes rêves parce que les biches ne vivaient pas dans cette région, et la couleur de son pelage reflétait la pureté, la magnificence et la candeur habitant ce corps splendide. La biche s’était dirigée vers le nord ; c’est alors que me revint en tête la parole prononcée par mon grand-père disant que je devais me rendre en son lieu de mémoire.

Je suis la cible du temps. Il m’accapare, m’a volé mon enfance en me transformant en ce que je n’ai jamais voulu. À mon grand désespoir, il m’y laisse en oubliant mes larmes de repentance, de remords, de tristesse, ces moments passés à hurler pour que l’enfance me revienne. On ne m’a pas laissé le choix et on ne m’a pas laissé vivre assez longtemps mon enfance, brisée par les soucis, les critiques incessantes et les reproches. Rendez-moi la petite fille que j’étais, à cette époque j’étais insouciante et innocente. Maintenant, je n’ai plus ma candeur, on me l’a salie.

Souvent, je me promenais à vélo dans ces bois. C’étaient des moments magiques, cette forêt possédait une âme, je le ressentais. Parfois, j’arrivais à me fondre dans les paysages et découvrais toutes les merveilles de la nature. Cette beauté était inexplicable, tel un conte de fées. Chaque arbre, chaque fleur, chaque senteur cachait un secret, un lourd secret. Tout s’unifiait, ne faisait qu’un, un tel spectacle était splendide à admirer, surtout lors du crépuscule et des premières lueurs du soleil levant à l’horizon. La terre scintillait !

Des générations entières de femmes ont été détruites à cause du temps, de ce temps qui vous ronge lentement, vous brûle à petit feu puis vous passez aux oubliettes où l’on ne repensera plus jamais à vous. Car vous êtes la victime innocente, et quand la vie n’est plus assoiffée de votre innocente jeunesse, elle vous jette et vous tue. Je l’avoue, j’ai peur de vieillir, d’être faible physiquement et moralement. Je veux rester la jeunesse incarnée, celle qui ne mourra jamais pour des milliers et des milliers d’années.