AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Partemps


LES NOCES DE THETIS ET DE PELEE 7

Et pourtant, c'est moi qui t'ai sauvé, lorsque tu courais à une mort certaine ; moi qui ai sacrifié mon propre frère, plutôt que d'abandonner un perfide en ce moment suprême. Et pour prix de tant d'amour, tu me livres à la merci des bêtes féroces, des oiseaux de proie : je vais mourir sans qu'un peu de terre recouvre mes restes abandonnés ! Quelle lionne t'a donné le jour dans son antre solitaire ? Quel monstre des mers t'a vomi parmi des flots d'écume ? sont-ce les Syrtes, ou la dévorante Scylla, ou l'insatiable Charybde qui t'ont donné l'être, toi qui me payes ainsi d'avoir sauvé tes jours ? Si les ordres rigoureux de ton vieux père, si la crainte de lui déplaire éloignaient ton coeur de cet hymen, ne pouvais-tu, du moins, me conduire dans ta patrie ? esclave soumise, il m'eût été doux de te servir, de laver tes pieds blancs dans une eau limpide, de couvrir ton lit de tapis de pourpre.

Mais pourquoi, malheureuse, dans ton égarement, fatiguer les airs de tes inutiles lamentations ? insensibles à tes cris, les airs ne peuvent ni t'entendre, ni te répondre. Lui cependant, il vogue déjà en pleine mer, et nul mortel ne s'offre à mes yeux sur ce rivage désert. Ainsi, en ce moment funeste, le sort barbare insultant à mes maux, va jusqu'à refuser à mes plaintes une oreille qui les entende. Puissant Jupiter ! plût au ciel que jamais un navire athénien n'eût touché les remparts de Gnosse ! Que jamais un perfide nautonier, apportant au terrible Minotaure un cruel tribut, n'eût jeté l'ancre sur les rivages de la Crète ! Que jamais, cachant un coeur barbare sous les dehors les plus doux, un perfide étranger n'eût obtenu de nous l'hospitalité ! Où fuir désormais ? Quel espoir me reste-t-il dans mon malheur ? Regagnerai-je les monts de la Crète ? mais la vaste étendue d'une mer orageuse m'en sépare. Compterai-je encore sur les secours d'un père ? mais je l'ai quitté pour suivre un criminel teint du sang de mon frère ? Trouverai-je du moins des consolations dans l'amour d'un époux fidèle ? mais il fuit, et la rame flexible, se courbant sous l'effort des bras, l'emporte au loin ; puis, une plage abandonnée ; une île déserte et sans abri ; point d'issue, la mer m'enveloppe de toutes parts. Ainsi, nul moyen, nul espoir de salut : partout le silence ; partout la solitude, partout la mort !... Mais avant que le trépas ferme mes yeux à la lumière, avant que le sentiment abandonne mon corps épuisé ; à mon heure dernière, j'implorerai des dieux le juste châtiment du parjure qui me trahit. Vous dont le fouet vengeur punit les crimes des mortels, Euménides, vous dont la tête est couronnée de serpents ; vous qui portez empreint sur votre front le courroux qui brûle dans vos âmes ; venez, accourez, prêtez l'oreille à mes plaintes ; à ces plaintes que, dans mon malheur, le désespoir, l'amour, la démence et sa fureur aveugle arrachent du fond de mon coeur. Et s'il est vrai qu'elles partent d'une âme profondément ulcérée, ne souffrez pas que mes imprécations restent sans effet. Faites, divinités puissantes, que, par un oubli semblable à celui dont je suis victime, Thésée fasse son malheur et celui des siens».
Commenter  J’apprécie          00









{* *}