Le Printemps des Poètes

Voilà encore une publication réjouissante du Printemps des poètes. Dans la préface, Jean-Pierre Siméon nous explique qu'au-delà de la diversité des langues et de la difficulté de la traduction, la poésie est" un langage ouvert à l'universel ". Quel beau partage que ce voyage riche en mots et en émotions, à travers le monde!



Les différents traducteurs français de cette anthologie , souvent poètes eux-mêmes ,comme Jean-Marie Barnaud ou Zéno Bianu, " passeurs de textes" , nous entraînent de pays en pays, de la Suède à la Roumanie ou du Japon à la Grèce et même de région en région, de l'Alsace à la Bretagne. L'occasion de retrouver des auteurs comme Federico Garcia Lorca ou Adonis, et de découvrir d'autres poètes, la japonaise Akiko Yosano ou l'alsacien Conrad Winter. Je laisse la parole à Walt Whitman, exaltant la découverte d'autres horizons:



" Puis, ayant entendu l'incomparable à l'aube, la grive ermite des cèdres du marais,

Solitaire, chantant dans l'ouest, j'affronte un Nouveau Monde".



Un parcours vibrant de ces chants multiples, de cet élan fraternel qu'est la poésie...

Je dis oui, mille fois oui, à cette initiative des éditions Seghers en 2004 de réhabiliter des poètes français presque oubliés, actifs entre 1955 et 2000! Je suis très heureuse d'avoir trouvé cette oeuvre précieuse.



Comme nous l'expliquent Jean-Pierre Siméon et Bruno Doucey dans la préface, il ne s'agit pas de se complaire dans la nostalgie, de " prôner l'ancien contre le moderne", mais bien plutôt " d'objecter à l'oubli et au silence quand ils paraissent injustes" et de " faire entendre ce qui n'est plus que murmure".



" C'etait hier et c'est demain

Je n'ai plus que toi de chemin

J'ai mis mon coeur entre tes mains"



Ces vers célèbres d'Aragon servent d'étendard à ceux, plus discrets, presqu'effacés des 65 poètes choisis pour cette anthologie. Un regret, comme toujours, seulement deux femmes évoquées, Thérèse Plantier et Angèle Vannier ...Bien sûr, les éditeurs ont dû selectionner, au détriment d'autres poètes. Ils le reconnaissent mais il ne peut en être autrement.



Parmi les auteurs retenus, j'en connaissais une vingtaine, comme Paul Vincensini ou André Laude, Christian Da Silva . Armen Lubin, que je vais bientôt côtoyer à travers le livre d'Hélène Gestern est aussi présenté.J'en ai découvert beaucoup, et je peux vous dire que presque tous ont éveillé en moi une émotion, un souffle intense. Ils ont fait entendre une voix unique, inspirée, nous affirmant qu" en poésie, comme en toute chose, l'avenir a besoin du passé."



Oui, écoutons-les ,ces voix, ne les laissons pas s'éteindre dans le vent, ne les réduisons pas en cendres. Soufflons toujours sur leurs braises, qui illuminent nos vies... Comptez sur moi pour les ranimer, les exalter, au travers de mes citations. En voici une , pour finir ( et commencer...), qui pourrait être une belle définition de la poésie:



" Mon ciel est grand

C'est l'étendue du temps,

L'étendue des champs

Les possibles infinis des choses, des mots, des gens.

Cette joie communicable

Ce souci vertigineux d'être juste,

C'est le début de l'inconnu,

La fin du rationnel

Une habitude demesurée"



Maurice Audejan.