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Citation de Danieljean


La courtisane Pingalâ

Le Sage Avadhûta poursuivit ainsi son dialogue avec le roi : Ô Mahârâja Yadu, ô fils de roi, une courtisane du nom de Pîngalâ vivait autrefois dans la ville de Videha.
Ecoute à présent ce que j’ai appris de cette jeune femme.
Désirant attirer un galant chez elle, cette belle courtisane se tint un jour longtemps devant sa porte, montrant ses jolies formes. Ô Yadu, toi le meilleur des hommes, elle dévisageait chaque passant dans le souci de s’enrichir. Elle se disait : « Oh ! Celui-là possède sûrement assez d’argent. Je sais qu’il peut payer un bon prix et se réjouir en ma compagnie. »
« Se tenant sur le seuil de sa maison elle vit beaucoup d’hommes passer et s’en aller. Son seul gagne-pain étant ses rendez-vous nocturnes, elle se mit à penser anxieusement : celui qui vient à présent est assez riche… Oh ! il ne s’arrête pas, mais il reviendra sûrement plus tard dans la soirée… Tiens ! Je suis sûre que celui-là me donnera ce qu’il faut en échange de mes faveurs… »
« Bien que son attente se prolongeât en vain, elle ne pouvait se résoudre à aller dormir. Par nervosité elle sortait parfois jusque dans la rue, et puis rentrait chez elle. Ainsi, d’heure en heure, minuit sonna. Son espoir de gain s’évanouissant, elle devint de plus en plus morose, le visage flétri par le chagrin. Toute découragée, elle commença à ressentir un grand sentiment de détachement vis à vis de sa situation, et les prémices d’heureuses pensées apparurent. »
« Le détachement ressemble à un glaive capable de couper en pièces désir et espérance. Ecoute à présent le chant que lui inspira son salutaire découragement.
Celui qui ne développe pas de goût pour un tel renoncement ne cherchera jamais à s’affranchir des liens corporels, de même que celui dépourvu de savoir spirituel ne désire jamais abandonner son instinct de propriété, pourtant sans réel fondement. La courtisane Pingalâ dit : Hélas ! Voyez comme je suis la victime de mes sens, je désire m’unir charnellement avec un amant insignifiant. Je suis si infortunée que j’ai oublié de servir mon véritable Bien-aimé, qui se trouve à l’intérieur de mon cœur de toute éternité. Ce Bien-aimé est le Seigneur de l’univers qui seul dispense l’amour et le bonheur véritables, lui, la source de toute prospérité. »

« Bien qu’il soit si proche je l’ai malgré tout négligé. A l’opposé j’ai, dans mon ignorance, servi des êtres des plus communs qui n’ont jamais réussi à me satisfaire vraiment. Leur contribution ne fut qu’infortune, peur anxiété, lamentation et illusion. Comme je me suis vainement torturée ! J’ai fait commerce de mon corps auprès d’hommes avides, eux-mêmes objets de pitié. J’ai exercé le métier, des plus vils, de prostituée en désirant richesses et plaisirs. »
« Ce corps de matière ressemble en tout point à une construction dans laquelle l’âme réside. Les os formant ma colonne vertébrale, mes côtes, mes bras et mes jambes sont comme les poutres, les traverses et piliers d’une maison ; et l’ensemble, rempli de matières impures (mucus, urine, etc…), est recouvert par la peau, les ongles et les cheveux. Les neufs portes de cette bâtisse sécrètent à chaque instant des substances désagréables. Qui d’autre que moi accepterais de s’en faire la servante et d’y rechercher du plaisir ?
« Je suis certainement la seule, dans cette ville de Videha, à être à ce point privée de raison. Je me suis donnée à de nombreux amants, oubliant d’aimer Acyuta (l’Infaillible), l’Amant suprême, la source de tous nos biens et de notre existence. Il est celui que tous les êtres chérissent le plus, leur meilleur ami, car des plus bienveillants. Il est le Maître et réside dans le cœur de chacun. Le prix à payer pour jouir de sa compagnie comme Ramâ, la déesse de la Fortune (l’épouse du Seigneur Vishnu), est celui de mon complet abandon. »
« Les hommes ici-bas procurent de nombreuses satisfactions à leur compagnes, mais, comme les habitants des cieux (les Devas), ils connaissent tous un début et une fin. Ils sont tous emportés par le Temps. Par conséquent quel véritable bonheur peuvent-ils offrir à leurs épouses ? Le seigneur Visnhu doit d’une façon ou d’une autre être satisfait de moi. J’ai du accomplir, sans même le savoir, quelqu’action agréable à Ses Yeux, sinon comment pourrais-je à présent goûter ce profond bonheur né du renoncement, malgré mon obstination passée à jouir de ce monde ? »

Seule la personne ayant développé un réel détachement peut se défaire des liens sociaux et amoureux ; et à cause de ma souffrance intense un tel sentiment a pris naissance en moi. Comment, si j’étais vraiment infortunée, aurais-je pu faire face à une souffrance si salutaire ? Par conséquent, je me considère des plus heureuses d’avoir ainsi reçu la miséricorde du Seigneur. Je reçois avec reconnaissance et dévotion les marques de sa bonté tout en renonçant à mes plaisirs coupables. Je ne prends refuge dorénavant qu’en Ishvara, l’Être originel. Comblée et confiante dans sa volonté, je vivrai au jour le jour, au gré de la providence, ne plaçant mon bonheur qu’en Lui, l’Âme suprême, la source de toute heureuse fortune. »
L’intelligence de l’être vivant est obscurcie par sa soif de plaisirs, jamais satisfaits, ce qui le fait chuter sans fin dans le puits sombre des transmigrations (samsâra), où il devient la proie d’un terrible serpent, le Temps. Qui d’autre que le Seigneur origine pourrait le sauver d’une condition aussi désespérée ? Quand l’être réalise que l’univers entier est dévoré par le serpent du Temps, il devient sobre et réfléchi, et renonce de lui-même aux plaisirs des sens éphémères. il est alors assez mûr pour se sauver lui-même. »

Le sage brahmane conclut ainsi l’histoire de la courtisane Pingalâ :
« Inébranlable dans sa détermination à ne plus être l’esclave de ses désirs et de ceux de ses amants, Pingalâ s’assit sur son lit, le cœur en paix. Ô roi, tout désir égoïste est la cause des plus grandes infortunes, et se libérer de tels désirs engendre le plus grand bonheur. C’est ainsi que l’intelligente Pingalâ, renonçant à jouir de ses amants, s’endormit paisiblement. »


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