Le Réel dit : « Je », en toute vérité ; le serviteur dit : « je », en pleine ignorance.
Le serviteur dit : « Lui », parce qu’il constate qu’il est loin de son Seigneur ; et le Seigneur dit : « lui », parce que telle est la constatation du serviteur.
Quand l’aube de la providence exhale son souffle, quand prend place le héraut de la guidance, quand brillent les six (directions) et les cinq (sens) grâce à la lumière du soleil, il n’y a plus de « lui » entre les deux : « Je » se revêt de « je », l’Ipseité de l’ipséité, sans confusion ni unification ni dissolution ; car tout cela, dans notre voie et notre proclamation de l’unicité divine est écarté.
Il n’y a en « nous » qu’une seule Existence ; elle est à la fois l’essence et la condition (d’existence) des trois réalités qui sont telles du fait de la multiplication de l’existence et de l’essence individuelle.
Ils ne troubleront pas nos rangs avec leurs beuglements et ils ne nous effrayeront pas avec leurs cris de guerriers.
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Le Réel me ravit hors de moi, puis me rapprocha de moi-même. Alors, le ciel disparut avec la disparition de la terre ; le tout se mêla à la partie, hauteur et largeur s’anéantirent, le surérogatoire devint obligatoire, le mélange devint pur élément, la course s’arrêta, l’altérité cessa, le vrai lignage s’accomplit avec l’élimination des attributions, des aspects et des relations. « Aujourd’hui, je dépose vos lignages et j’élève le mien ».
Puis, me fut dite une expression semblable à celle d’al-Hallâj, sauf que ce dernier la prononça, alors qu’à moi elle fut dite sans que je la prononce jamais. Cette parole est connue et acceptée de Ses gens ; elle est ignorée et refusée par celui que l’ignorance domine. (haltes 6-7, pp. 39-40)