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Citation de enkidu_


S’il est une chose qui nous frappe, durant les voyages modernes ponctués de panneaux publicitaires et d’annonces radio, c’est bien de voir écrite à la bombe de peinture ou au charbon de bois, sur une borne kilométrique ou à l’entrée d’un tunnel, l’affirmation : « Dieu est. »

Notre émerveillement est provoqué par deux impressions opposées : d’une part, notre tendance contemplative trouve étrange qu’à la lumière du soleil et sous la voûte du ciel, il faille exprimer en toutes lettres ce qui devrait surgir à l’esprit comme la certitude immédiate d’une réalité évidente ; d’autre part, notre esprit critique nous fait apprécier, dans un monde comme celui d’aujourd’hui, l’œuvre de l’inconnu qui sait encore témoigner, ne serait-ce qu’avec des mots, de la Vérité la plus ancienne et la plus essentielle.

Ces deux impressions représentent les limites entre lesquelles reste suspendu l’homme d’aujourd’hui. S’il a perdu la dimension de la transcendance, il ne se résigne pourtant pas à croire que le monde visible soit tout ce qui existe, demeurant ainsi comme un poisson hors de l’eau.

En effet, notre surprise, devant l’affirmation d’une telle évidence, nous rappelle l’histoire de ce jeune poisson qui, ayant entendu parler de l’océan, demande à ses parents où il se trouvait. Mais ceux-ci ne purent lui répondre à cause de leur manque de culture. Alors le jeune poisson quitta sa famille pour parcourir le monde en long et en large. Personne ne parvint à lui donner une réponse et le pauvre poisson finit par mourir sans jamais su où se trouvait l’océan. Peut-être aurait-il été nécessaire qu’une seiche ou un calmar eût écrit sur une algue ou sur un coquillage le mot « océan », pour que notre jeune poisson pût s’apercevoir qu’il y était immergé, et qu’il constituait lui-même la petite partie d’un tout.

La formule « Dieu est » écrite sur une pierre nous rappelle aussi l’affirmation d’un maître bouddhiste selon lequel le zen, l’essence de sa religion, était comme « prier dans un taxi », c’est-à-dire sacraliser, rendre sacré, jusqu’aux moments et aux lieux les plus profanes de notre existence. C’est cela, à l’origine, le sens vrai du mot sacraliser, ou sacrifier, sacrum facere, de même que le mot « existence » vient de ex stare, se « tenir en dehors », justement comme un poisson hors de l’eau, ou un poisson qui ne sait pas où est l’océan. C’est cela exister, et non être, car Dieu seul est. (pp. 25-26)
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