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Citation de enkidu_


Ces simples remarques permettent de voir dans son jour la République française : différente, aujourd’hui, des dictatures établies ailleurs, elle paraissait, avant la guerre, la sœur bâtarde des monarchies constitutionnelles qu’elle avait pour voisines. Cependant elle reste un monstre à part.

La France est le seul pays où la nation ait en permanence son gouvernement contre soi, le seul où une guerre sinistre et grotesque ait été déclarée à Dieu, le seul où l’ordre ne subsiste que par survivance, sans être jamais soutenu ni fortifié, le seul où l’enseignement officiel n’ait pas d’autre tâche que de détruire obstinément tout ce qu’il devrait conserver, et dérobe à la nation la connaissance de sa propre grandeur.

La République est le seul régime où rien de sublime, ni seulement d’honnête, n’est donné en aliment à un peuple dont l’âme est à jeun ; c’est le seul régime qui, pressé de tous côtés par les choses, ne parle jamais un langage qui leur réponde, le seul où les problèmes les plus importants ne puissent pas être résolus, ni même posés, parce que l’intérêt du parti régnant entretient partout des fictions qui séparent la nation du réel. Il est dans un régime quelque chose qui compte davantage encore que les actes ostensibles sur lesquels il est discuté : c’est l’esprit qu’il infuse à tout moment, par le seul jeu de sa machine, dans le pays entier et jusque dans les derniers hameaux ; si cet esprit ne vient pas partout au secours des meilleures âmes, s’il ne les soutient pas dans la fierté de leurs vertus et la pratique de leurs devoirs, s’il passe au service des instincts qu’il doit réprimer, s’il ronge les forces morales qu’il doit préserver, s’il pousse en tous points l’homme à se défaire, il y a là un scandale qui, tout fondu qu’il est dans la grisaille des choses, est plus monstrueux que ceux qui se dessinent à leur surface : c’est la fonction même de l’État qui n’est pas remplie ; c’est l’acquis d’une nation et d’une société perdu par l’organe qui doit le sauver.

Sans doute, dans ce régime dénaturé, il arrive parfois que des hommes en place parlent sagement ; ils s’émancipent jusqu’à citer un proverbe, ils osent rappeler une de ces vérités banales qui ont cessé de l’être dans un régime séparé du vrai : mais, contraires à l’esprit du système où elles sont prononcées, leurs paroles n’y résonnent pas, elles tombent à terre sans que nul les ait entendues, tandis que le moindre appel de démagogie retentit comme s’il passait par le clairon de l’archange.
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