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Critiques de Ahmed Boubeker (3)
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Le grand repli

A en croire Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Ahmed Boubekeur, la société française est entrée dans l’ère du Grand repli. Hantée par le spectre du déclin, elle se recroqueville sur une identité mythifiée, celle des « Français de souche », et sur la haine de l’autre. Cette idéologie racialiste, sinon carrément raciste, est alimentée par le discours des élites politiques et médiatiques. Elle percole dangereusement dans la société française alimentant une lepénisation rampante des esprits dont témoigne par exemple l’antisémitisme décomplexé d’une Dieudonné.

Le Grand repli est une idéologie de combat qui entend répondre à une violence par une contre-violence. La violence c’est la peur du Grand remplacement. La théorie a été forgée par Renaud Camus en 2010 et reprise notamment par Eric Zemmour dans son succès de librairie « Le suicide français » : l’identité française serait menacée par le métissage. Pour répondre à cette violence, une contre-violence s’impose. C’est l’altérophobie, la haine de l’autre, le juif hier, le musulman aujourd’hui.

Les auteurs insistent sur la centralité de l’islamophobie chez les tenants du Grand repli. Les musulmans incarnent désormais l’ennemi intérieur, d’autant plus dangereux qu’il se cache à l’intérieur du corps national à protéger. Faisant fond sur les travaux de Thomas Deltombe , de Mathieu Rigouste et de Bertrand Godard , ils séquencent cette phobie en trois périodes. Les premières vagues d’immigration maghrébine pendant les Trente glorieuses sont l’ère du mépris : les musulmans n’ont pas droit de cité dans la république gaullienne et pratiquent leur religion en cachette. Avec la crise, la fin de l’immigration économique, la sédentarisation des familles maghrébines et sahéliennes, naît le temps du soupçon : les croyants, dont la foi devient plus visible, sont suspectés de constituer la « cinquième colonne » d’un islam téléguidé de l’étranger. L’échec de la gauche comme de la droite à structurer l’islam de France conduit à la période actuelle : l’ère de la peur. Cette peur s’exprime à travers ce que les auteurs qualifient, non sans outrance, de « rage laïcarde » (p. 35). Loin de favoriser le vivre-ensemble, la laïcité serait facteur d’exclusion, renvoyant tous ceux qui ne se plient pas à ses règles, de plus en plus contraignantes, à une marge honnie.

Le Grand repli fonctionne comme un système de poupées russes ou de vases communicants. La laïcité cache en fait l’exclusion de l’islam. Le « problème musulman » renvoie à la crise des banlieues. La ghettoïsation, l’apartheid géographique sinon racial fait ressurgir un imaginaire colonial. Et c’est ce dernier point qui est le plus stimulant et le plus polémique dans le travail de ces trois auteurs. Depuis une quinzaine d’années ils explorent, dans de nombreuses publications dont nous avons rendu compte ici la rémanence du fait colonial. L’immigré aujourd’hui, disent-ils, est traité comme le colonisé hier. L’inquiétude qu’il inspire au « Français de souche » justifie qu’un traitement dérogatoire lui soit appliqué : ses doits civiques (le droit de vote), individuels (la liberté religieuse), sociaux (le droit au travail, à un logement décent) sont bafoués. Une même « situation coloniale » – au sens où l’entendait Georges Balandier – perdure entre des citoyens et des indigènes qui vivent côte à côte mais pas ensemble.

Comment sortir du Grand repli ? Comment restaurer le vivre-ensemble ? Les auteurs et leurs collègues de l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine (ACHAC) le répètent sans être entendus : en évoquant sans fard le passé colonial de la France afin que tous les enfants de la République s’y reconnaissent. Ce « passé qui ne passe pas » doit être enseigné dans les écoles : la réforme des programmes scolaires laissant plus de place à l’histoire de la colonisation va dans le bon sens. Il doit être montré dans les musées : après l’inauguration du mémorial ACTe en Guadeloupe reste à espérer qu’un lieu de mémoire soit inauguré en métropole, qui ne cède ni à la nostalgie ni à la repentance.
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Ruptures postcoloniales : Les nouveaux visa..

Voilà plusieurs années que je suis avec intérêt les travaux de l'ACHAC (Association pour la Connaissance de l'Histoire de l'Afrique contemporaine). Dans leur précédente somme "Culture coloniale" (CNRS Editions/ Autrement, 2008), ce groupe de jeunes historiens exhumait, de 1870 à nos jours, les traces en France métropolitaine d'une colonialité dont on avait jusqu'alors sous-estimé la prégnance. Deux ans plus tard, le groupe élargit sa perspective en s'ouvrant à de nouvelles problématiques, moins historiques et plus politiques, et à de nouveaux horizons (on saluera les contributions de nombreux chercheurs de toutes nationalités travaillant aux Etats-Unis tel l'historien sénégalais Mamadou Diouf ou la grande dame des Gender studies Anne McClintock). Ce faisant, "Ruptures postcoloniales" peut se lire comme le troisième volet d'un tryptique, commencé en 2005 avec "La fracture coloniale" qui, dans une perspective plus sociologique, cherchait à démontrer la présence toujours bien vivace dans la société française contemporaine d'un héritage colonial mal assumé. Ce faisant aussi, la quarantaine de contributeurs réunis autour de Nicolas Bancel et de Pascal Blanchard s'exposent aux critiques parfois virulentes de J.-F. Bayart qui leur reproche de réifier le fait colonial et d'en nier l'historicité.

Dans une introduction remarquable, les six coordinateurs du livre répondent aux critiques qui leur sont adressées. On leur reproche d'ethniciser le fait social ? Vent debout contre le "retour tonitruant" de l'identité nationale dans le débat politique français" (p. 26) mais aussi contre le procès en communautarisme qui leur est intenté, ils prônent un vrai cosmopolitisme et affirment que la société française doit se penser en termes d'hybridation voire de créolisation (p. 15). On les accuse d'entretenir une "guerre des mémoires" ? Ils revendiquent au contraire un "travail d'anamnèse" (p. 22) préférable selon eux à "l'aphasie coloniale" (l'expression est de Ann Laura Stoler) qui a trop longtemps prévalu. On pointe leur engagement politique au détriment de leur rigueur scientifique ? Ils invoquent les mânes de Michel Foucault pour réhabiliter la figure de l'intellectuel engagé.

La démarche a le mérite de rompre avec le conformisme timoré qui prévaut souvent dans le monde des sciences humaines. Elle n'en rencontre pas moins certaines limites dont cet ouvrage collectif est emblématique.

"Ruptures postcoloniales" a en effet perdu la cohérence de ses prédécesseurs. Nulle part n'est explicité le choix du titre : de quelles "ruptures postcoloniales" s'agit-il ? Les contributions se succèdent sans plan très clair (autant le premier quart du livre consacré aux pères fondateurs de la pensée postcoloniale a sa cohérence - on saluera l'essai de A. Boubeker consacré au trop méconnu A. Sayad - autant la seconde partie apparaît comme un fourre-tout hétéroclite). Certains contributeurs prestigieux n'ont pas pris la peine d'écrire des articles en bonne et due forme et ne sont présents que sous la forme d'entretiens ce qui n'est jamais bon signe (Patrick Weil, Mamadou Diouf, Pascal Boniface). A côté des contributions toujours très sures de Benjamin Stora ou de Marie-Claude Smouts, certaines autres sont la reprise parfois à l'identique d'articles de "Culture coloniale" (Achille Mbembe, Gabrielle Parker, Herman Lebovics), d'autres ne se justifient guère (ainsi du long article de Françoise Vergès sur la Maison des civilisations et de l'unité réunionnaise sans lien clair avec les autres articles du recueil). Plus inquiétant encore, d'autres se perdent - et perdent au passage leurs lecteurs - dans un sabir inutile (on peine à voir l'intérêt de certains néologismes forgés sans justification : mêlement (p. 180), déréalisation (p. 224), déclosion (p. 305), monstration (p. 398), transcolonialité (p. 404), etc. ) et dans des développements dont je confesserai, le rouge au front, ne pas avoir compris le moindre mot (ainsi de l'article de Ramon Grosfoguel sur le "pluri-versalisme décolonial").

A force de vouloir parler, mal, de tout, la pensée postcoloniale, véritable auberge espagnole, court le risque de ne plus parler de rien.
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La gestion locale de l'islam

Un ensemble de chercheurs européens ont mené conjointement dans plusieurs villes de France des études afin d'enrichir les réflexions existantes sur les différents obstacles rencontrés dans la gestion locale de la pratique de l'islam.



Autorité publique et entités cultuelles, comment se gèrent elles, s'appréhendent elles?



Quelques axes d'approches sur ces rapports établis entre interlocuteurs locaux et cultuels, se profilent aux pages de ces chapitres.
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