Alain Madeleine-Perdrillat

Je ne connaissais pas cette petite collection « Un dimanche avec… » de la maison Suisse Skira. Il semblerait qu'elle s'adresse à un public jeune ou désireux de simplement découvrir un artiste ou d'en connaître un minimum. Ici le parti pris est de laisser parler le peintre, j'ignore si c'est le cas pour l'ensemble de la collection, mais cela m'a bien plu. Il y a une très bonne répartition entre biographie, œuvres, technique, et informations sur l'époque, le tout s'appuyant sur une iconographie variée et une mise en page dynamique. Une belle petite découverte qui donne l'envie de prolonger ce moment et de se replonger dans la vie et les œuvres de cet artiste.

Cette monographie est consacrée , de manière chronologique à la courte vie (il est mort à 32 ans) et surtout à l'œuvre de Georges Seurat . L'auteur (qui fut un ami et compagnon d'étude à Aix en Provence) insiste sur le contraste entre la modestie et l'humilité de l'artiste et l'importance capitale de sa recherche technique mais aussi de la nouveauté de la vision du monde qu'offre ses tableaux . Il peut être à juste titre considéré comme un précurseur de l'abstraction;

La lecture d'Alain- Madeleine Perdrillat de "La Mort des enfants de Béthel "de Laurent de La Hyre.( musée d'Arras) que nous propose la collection Ekphrasis des Éditions Invenit, nous interroge sur la représentation de la mort en peinture, et plus généralement celle adoptée par les sociétés .

Des morts, vivants encore, puisqu'en sommeil, des corps qui se ressemblent encore, qui n'ont pas encore quitté le charnel.

Des scènes domestiques, aux paysages, de la représentation des mythes, jusqu'au Christ sur la croix, toutes les peintures nous indiquent sans aucun doute l''espace dans lequel le peintre vit et voit le monde qui l'entoure.

La représentation de la mort est peut être ce qui il y a de plus intime chez le peintre. Comment à travers les siècles représente- t- on la mort?

La mort nous est commune mais la façon dont nous l'imageons , nous l'imaginons, nous la montrons, nous la disons, est ce qui nous permet de mieux connaître le vivant dans lequel nous évoluons.

Dis moi comment tu meurs et je te dirai comment tu vis.

De la mort des enfants de Béthel de Laurent de la Hyre à Guernica de Pablo Picasso, quel chemin avons nous parcouru ..? Laurent de la Hyre ne porte aucun jugement en peignant la mort des enfants de Béthel, ce n'est pas là son propos, il ne nous montre pas non plus les morts, mais la Mort. La Mort par sa non présence.

On la sait mais on ne peut la connaître. Elle est indicible puisqu'elle nous est contraire. La mort à jamais inconnue du vivant. Aucune douleur, aucune injustice, juste le temps qui n'est plus et peut être l'acceptation de cette intemporalité . La mort en peinture est un miroir inversé.

«La mort parle ou plutôt: on la fait parler, car elle n'a pas de verbe, elle n'a pas d'être, et en tant que telle, elle ne peut qu'échapper à l'ordre de la représentation.»

A tellement non représenter la mort dans la Mort des enfants de Béthel, est il possible que Laurent de La Hyre ait vécu dans un monde qui se pensait immortel ?

Le vide ou le néant ? , quel espace nous donnons nous à vivre?

Une lecture qui nous regarde, et qui nous invite à réfléchir sur notre société saturée par les images des morts et qui omet de se confronter à son ultime face à face et ainsi de se penser soi.

Dans le musée des Beaux Arts d'Arras nous pouvons peut être deviner la clé de bien des énigmes.





Astrid SHRIQUI GARAIN