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Citation de Charybde2


La fille du charcutier de gros bourg avait voulu m’inscrire à des cours d’éducation physique, mais elle avait constaté avec ravissement que son rejeton n’avait pas de corps. C’est plutôt une bonne chose, cette absence de corps, avait joui vastement dans l’espace la voix de la fille du charcutier. Dans le Figaro Magazine du week-end, elle avait lu un reportage sur quatre garçons qui avaient eu leur bac avec mention très bien à Louis-le-Grand. Louis-le-Grand, à Paris, est un lycée d’élite, un établissement d’excellence suprême où les meilleurs professeurs de France enseignent à des classes extraordinairement motivées, dans des classes où brille un très beau parquet ciré. Ah ! ça ne bavasse pas dans les classes de Louis-le-Grand, ça ne flirte pas, ça ne se met pas de main dans les culottes. Les élèves de Louis-le-Grand montent et descendent de très beaux escaliers à double volée de marbre, comme dans Les disparus de Saint-Agil. On n’entend pas une mouche voler dans les couloirs. Pas une mouche ! Les quatre mentions très bien avaient tous des lunettes à grosse monture, la peau grêlée de boutons sanglants grattés à l’ongle, un épais duvet brun au-dessus de la lèvre supérieure. Un des garçons me fixait. Ses yeux noirs et myopes me disaient que j’étais sur la bonne voie.
« Continue, continue mon gars.
– Je suis dispensé de sport depuis trois ans, je lui répondais, j’ai une scoliose et ma vue baisse.
– C’est bien, c’est bien mon gars, continue », luisaient les yeux sur la photo de l’article.
La fille du charcutier avait découpé l’article du Figaro Magazine, je l’avais rangé dans le premier tiroir central de mon bureau pour pouvoir le relire régulièrement et regarder la grande photo ouvrant l’article, la photo tout à fait royale. Internat de Louis-le-Grand, Paris, brique fendant l’air : voici l’objectif. Lunettes à double foyer, peau grêlée par des maladies bizarres, épaules qui tombent : voilà le chemin. Après leur bac mention très bien, les quatre garçons avaient été contactés par des écoles américaines qui feraient d’eux des triomphants, relatait l’article. Vers trente ans, ils s’achèteraient un corps et jouiraient sur des filles entièrement nues. Ils ne mourraient jamais.
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