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Critiques de Alexandra de Hoop Scheffer (1)
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Hamlet en Irak

Dans un petit livre au titre alléchant, Alexandra de Hoop Scheffer met en lumière les paradoxe hamlétiens de la stratégie américaine de shaping, c’est-à-dire de « mise en forme », de transformation de l’environnement international, menée depuis 2003. L’échec de cette politique trouve, selon l’auteur, ses origines dans une cause simple : les motifs de l’intervention américaine en Irak ne se sont pas reflétés dans les modalités de cette intervention.



Pour quels motifs les Etats-Unis sont-ils intervenus ? Parce qu’ils ne supportaient plus l’existence d’un régime voyou dont ils jugeaient néfaste l’influence sur l’équilibre régional et mondial. De ce point de vue, Alexandra de Hoop Scheffer souligne la continuité entre les administrations Clinton et Bush. L’une comme l’autre adhèrent à une stratégie « d’élargissement démocratique » qui peut aller jusqu’au renversement par la force des Etats qui y font obstacle. D’ailleurs l’Iraq Liberation Act, co-rédigé par l’opposition irakienne en exil et le très néo-conservateur American Enterprise Institute, fut adopté fin 1998 bien avant l’arrivée au pouvoir de George W. Bush.



Mais la réussite de cette politique d’inspiration néoconservatrice supposait que les Etats-Unis s’impliquent lourdement dans un processus de nation-building, d’ailleurs destiné à faire école dans le reste du « Grand Moyen Orient ». Pour reprendre la terminologie utilisée par l’auteur, le firepower – c’est à dire la capacité à gagner la guerre – ne suffisait pas ; il fallait aussi gagner la paix, c’est-à-dire imposer un staying power.

Or tel ne fut pas le cas : « les arguments utilisés par l’administration Bush pour justifier l’intervention en Irak étaient très wilsoniens quant à leurs finalités, mais anti-wilsoniens dans leur mise en pratique » (p. 55). La guerre ne fut ni planifiée ni menée par les néo-conservateurs mais par les « nationalistes intransigeants » (Rumsfeld, Cheney) préoccupés avant tout d’une victoire rapide et réticents à impliquer l’appareil militaire dans une phase de reconstruction longue et hasardeuse. Faute d’être suffisamment préparées, les forces d’occupation multiplieront les erreurs, la plus grave étant de vouloir reconstruire ex nihilo un régime démocratique en interdisant le parti Baas. Une autre erreur, non moins grave, sera l’autorisation donnée aux Kurdes de garder leurs milices Peshmergas qui a entraîné le refus de toutes les autres milices de se dissoudre.



Les Etats-Unis ont certes remporté une éclatante victoire militaire, en quelques jours à peine, mais se sont embourbés dans un « conflit de basse intensité » qui n’en finit pas. Chargées de la double tâche de rétablir la sécurité et de reconstruire un ordre politique stable, les forces d’occupation ont donné la priorité « à ce qui est urgent – les nécessités militaires à court terme – au détriment de ce qui est important – l’avancement du processus politique » (p. 74). Mais ce choix a plongé les Etats-Unis dans un cercle vicieux : mener une contre-guerilla aussi épuisante qu’impopulaire les empêche de conquérir « les cœurs et les esprits » … et aggrave l’insécurité. Le même dilemme paralyse leurs relations avec les forces politiques locales : plus les Etats-Unis veulent contrôler la reconstruction, plus ils en délégitiment les acteurs aux yeux d’une opinion naturellement encline à se méfier de l’occupant.



Sortir de la crise n’est pas simple. Et l’auteur critique le parti pris par George Bush d’augmenter encore les forces américaines.

Mais au-delà, elle ouvre la réflexion sur les leçons que l’appareil militaire tirera de l’expérience irakienne. L’Irak – comme le Vietnam ou la Somalie – montre que la supériorité militaire n’est pas la clé du succès. Les phases de combats, de stabilisation et de reconstruction constituent un « continuum » (p. 133) et l’Armée devrait planifier avec autant de soin la reconstruction que l’assaut militaire. Gagner la paix est aussi crucial que gagner la guerre.
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