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Citation de enkidu_


Sept siècles après la charte de Yathrib, l'historien maghrébin Ibn Khaldoun essayait d'analyser l'origine du pouvoir et les facteurs sociaux qui président à la naissance des dynasties et des empires. Un chapitre de ses Prolégomènes (al-Muqaddima) est intitulé : « Du fait que la souveraineté n'échoit aux Arabes que sous un aspect religieux émanant d'un prophète ou d'un saint personnage ou, d'une manière plus générale, sous une forte influence de la religion ».

« La cause en est, poursuit-il, que les Arabes, en raison du caractère sauvage qui est en eux, sont le peuple le moins accessible à la subordination des uns aux autres. Cela est dû au fait qu'ils sont rudes, fiers et ambitieux et qu'ils rivalisent pour la suprématie ; aussi est-il rare que leurs désirs s'accordent. Mais s'ils adhèrent à une prophétie (nubuwwa) ou au charisme d'un saint (walâya), la régulation se produit à l'intérieur d'eux-mêmes. Le tempérament d'orgueil et de rivalité disparaît de leur comportement, ils deviennent faciles à soumettre et à rassembler. Ils sont totalement investis par la religion qui fait disparaître leur rudesse et leur arrogance, qui réfrène leur jalousie et leur compétition mutuelles. Dès lors qu'il y a chez eux un prophète (nabî) ou un saint (walî), celui-ci les incite à soutenir la cause de Dieu, fait disparaître ce qui, dans leurs mœurs, mérite la désapprobation au profit de ce qui y mérite la louange. Il fait régner entre eux l'accord pour faire triompher la vérité. Alors leur union s'accomplit parfaitement. Et se réalisent alors pour eux la domination et la souveraineté (al-taghallub wa l-mulk). »

Cette analyse, qui semble bien refléter l'esprit de la charte de Yathrib, lui était inspirée par ce qu'il connaissait des débuts de l'islam à travers les récits transmis d'Ibn Is'hâq, qu'il appelle Siyar (pluriel de Sîra). Ceci apparaît dans les mentions qu'il fait de ce dernier. Ainsi consacre-t-il un autre chapitre des Prolégomènes à l'ancrage initial du pouvoir politique dans la tribu des Quraysh. Ceux-ci, estime-t-il, pouvaient d'abord se prévaloir de leurs attaches généalogiques avec le prophète (wuslat al-nabî). Mais, surtout, parmi tous les Arabes, c'était à leur capacité de vaincre et de dominer que l'on se soumettait; et il concluait : « Ibn Is'hâq, dans son livre des Siyar, l'a souligné, comme bien d'autres. »

Depuis Muhammad, en effet, et durant plusieurs siècles, les Quraysh furent les détenteurs du pouvoir politique. Parenté avec le prophète, esprit de corps et capacité de vaincre, telles étaient, selon Ibn Khaldoun, les bases sociales de leur pouvoir. L'historien trouvait là une illustration de plus à sa théorie générale du pouvoir. Le pouvoir, selon lui, est basé essentiellement sur la force de « l'esprit de corps », c'est-à-dire sur la solidarité interne d'un groupe lié par une parenté commune et capable de s'imposer aux autres. Il est un fait que presque tous les grands généraux de la conquête appartenaient aux Quraysh. (pp. 111-112)
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