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Citation de Partemps


Anaëlle Lebovits-Quenehen
Le virus qui rend fou et son effet loupe

J’ai lu Ce virus qui rend fou [1], le dernier livre en date de Bernard-Henri Lévy, comme l’expression d’une colère restée trop longtemps confinée. Non pas que cette colère l’ait quitté durant les deux mois et demi qu’a duré le confinement, mais elle n’a pu trouver alors de lieu d’adresse, s’il est vrai, comme le relève le philosophe, que loin de se limiter au confinement des corps, la période fut également propice à celui des âmes, des esprits, des consciences. Ce temps suspendu fut bel et bien celui où les médias nous tendaient le miroir d’hommes et de femmes ne voyant le monde qu’à l’aune d’un virus qui devenait l’alpha et l’oméga de nos existences, notre seule préoccupation légitime, et aussi seule cause à épouser, à l’exclusion de toute autre.

Ce livre est donc un acte de déconfinement de la colère qui anime le philosophe lui donnant ici forme écrite, mais encore un déconfinement des yeux pour la voir et des oreilles pour l’entendre. Elle nous parvient à son heure, alors que les corps sont autorisés à circuler de nouveau et que se pose cette question qui parcourt tout le livre en filigrane : les esprits emboîteront-ils le pas des corps ? Ressortiront-ils de l’enfermement qu’ils ont goûté ? S’ils étaient tentés de ne pas, ce court essai de B.-H. Lévy les y aidera.

Le retour du philosophe à la scène du monde est d’autant plus important pour lui, on l’entend, que le confinement l’a arrêté dans un élan vers ses frères en humanité. Faisant inlassablement son métier d’homme, comme il le nomme après Camus, la nécessité de rentrer chez lui le surprit alors que, loin de Paris, il faisait face à la misère la plus désespérée. S’il a donc respecté le confinement, et l’assignation à résidence qu’il imposait à chacun, à la fois par respect pour les lois de la République et pour les soignants exsangues durant la crise, c’est aussi parce que ce confinement était peut-être bien la seule chose qu’il y eut à ordonner dans de telles circonstances.

Mais B.-H. Lévy sort du confinement comme il y est entré : littéralement hors de lui, et peut-être plus encore, parce qu’entre-temps, il a vu le monde tourner décidément trop rond, alors même qu’ailleurs – à Lesbos, entre autres, où 20 000 migrants survivent dans des conditions inhumaines – le monde est sans cesse à la limite de tourner court. La révolte de B.-H. Lévy semble ici inversement proportionnelle au confinement des révoltes de ses contemporains les mieux lotis. C’est armé de cette force que le philosophe revient avec cet essai en forme d’uppercut, visant définitivement le contentement de soi (qui a connu une réelle recrudescence durant la période si l’on en juge par les réseaux sociaux) et les horizons restreints.
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