AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Partemps


2/ Qu’est-ce qui permet l’échange : une mémoire commune ou la redécouverte d’une relation perdue ?

C’est la redécouverte d’une relation qui, au fond, n’est jamais perdue, mais enfouie, obnubilée. Elle n’en est pas moins vivante, en particulier dans la langue : je sais bien qu’aujourd’hui une sorte de bande dessinée tend à se substituer à la langue, mais quand on y fait retour, le mouvement de retour à la langue est un mouvement de retour à soi. On revient aussi aux racines, aux origines de la langue, on touche à une fraîcheur d’étymologie, ce qui nous ramène à votre première question. C’est par là, je crois, que quelque chose s’est réveillé chez un interlocuteur virtuel, et que vous vous trouvez tout à coup, souvent de façon surprenante, dans un rapport que tout, dans l’époque, travaille à annuler. Cet « interlocuteur », cependant, peut surgir à tout instant : il est représenté d’ailleurs, dès que je m’exprime, par la langue, puisque cette langue, par définition, est « partagée », même si je ne sais pas au juste avec qui je la partage. C’est pour cela que dans ce mouvement de relation à réamorcer, si je parviens à me rejoindre, du même coup, je rejoins un autre à l’infini.

Le poète travaille donc toujours un manque, et un manque toujours à dire ?

Oui, mais dans son manque à dire, il rejoint quelquefois ce point de source qui est aussi début d’une langue. Et quand on touche à ce point initial, il est difficile de différencier le plein du vide, le manque à dire de la plénitude absolue. C’est d’ailleurs le temps de la conversation : on est toujours prêt à dire quelque chose, on est content d’être ensemble et il y a toujours quelque chose à dire.

Du plus ancien au plus récent, vos livres sont presque toujours écrits avec les mêmes mots : quelques mots sans cesse répétés et sans cesse différents. Ils relèvent de l’élémentaire, tournent autour de la terre, de l’air, de l’eau et du feu, et coexistent avec une syntaxe très travaillée.

Que nous disposions de dix ou de quatre mille mots, leur nombre est toujours limité, mais ce qui change, c’est la syntaxe, c’est le rapport avec le temps, et du même coup, le même mot n’est plus le même, parce qu’il n’est que le support d’un sens qui, lui, évolue, se transforme. Le sens d’un mot est toujours au futur, mobile, mouvant à l’infini.

Tout se passe dans les écarts…

En tournant une page, on recouvre celle qui l’a précédée et on repart chaque fois de zéro. Mais à travers ce « nul », quelque chose est maintenu et se poursuit. Sur cet élément de persistance, je n’ai aucune saisie : j’ai bien une saisie sur l’instant, mais un instant n’est pas étranger à celui qui l’a précédé et à celui qui suivra, et je ne suis pas maître de cette durée. Dans ce sens, je ne suis pas plus maître de la construction d’un livre que je ne suis maître du temps.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}