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Citation de Partemps


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Vous laissez entendre que la peinture serait une langue qui précéderait
la parole.

La langue nous précède… Dans le rapport que nous avons avec
la langue, nous venons au monde, mais la langue dont nous nous
servons a existé bien avant nous. Il y a donc toujours un sentiment
d’antériorité par rapport à la langue, et nous usons de cette antériorité
pour localiser momentanément une sensation initiale qui est sans
précédent. Ce sentiment d’appartenance au monde, chaque fois que
nous l’éprouvons, il est sans précédent et nous le formulons par cette
langue dont la longue généalogie nous précède. Mais pour en revenir
à la peinture, elle a aussi dans ce livre une valeur métaphorique en ce
sens que si tout est peinture, moi qui ne peins pas au sens technique
du mot, qui suis incapable de tenir un pinceau, écrivant ces pages,
plaçant un mot dans la page, je l’éprouve en tant que peintre, je me dis
peintre… Ainsi, vers la fin du livre, parmi les quelques rares passages
qui semblent avoir explicitement trait à des peintures, il y a un souvenir
revécu d’une promenade à Aix, il y a quelques années, où j’avais vu
des tableaux de Cézanne. Après les avoir vus, les fenêtres du musée
Granet ne donnant pas sur une lumière intéressante, je suis parti à pied
vers la Sainte-Victoire. Et ce que je voyais, le sol que je foulais, les
accidents de lumière sur la Sainte-Victoire, les modifications de cette
montagne dans le jour, me donnaient bel et bien le sentiment d’être
dans la peinture que les tableaux de Cézanne, vus quelques heures plus
tôt, m’avaient ouverte. Je faisais retour à la source de cette peinture, et j’étais de nouveau dans le monde muet, antérieur aux peintures, dans
la peinture antérieure aux peintures: il s’agissait pour moi de formuler
dans ma langue, qui est celle des mots et non pas celle des touches,
mais des mots envisagés en tant que touches. Il me fallait, moi aussi,
être peintre.
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