AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de rkhettaoui


J’avais toujours cru que les tragédies du passé marquaient souvent un lieu, comme une tache de sang récalcitrante qui refuse de disparaître. Ce n’était pas différent ici ; les arbres semblaient chuchoter une histoire triste. Apparemment, au temps jadis, une jeune fille venue se baigner et surprise par un cavalier de la brume avait pris peur. L’homme, un aristocrate, avait tenté de l’attirer hors de l’eau, mais à mesure qu’il approchait, elle s’était éloignée à la nage. Quand elle avait perdu pied, elle s’était noyée. Plus tard, le chapeau du coupable, retrouvé sur place, avait permis d’identifier Jean sans Terre, roi d’Angleterre. Je doutais de l’authenticité de cette anecdote, mais elle me donna tout de même le frisson. Tout en marchant, j’imaginai toujours entendre les cris étouffés de la jeune femme qui commençait à manquer d’air. Alors que je passais sous un tunnel d’arbres, j’aperçus une silhouette qui me tournait le dos. — Bonjour, madame Christie, dit Kurs, sans bouger. Venez admirer l’eau. Quel spectacle féerique, particulièrement aujourd’hui ! Je dus me forcer à avancer vers lui. — Cet endroit m’a toujours attiré, ajouta-t-il. Pas uniquement à cause de son histoire plutôt morbide, que vous connaissez certainement. L’étang de Silent Pool occupe une place à part dans mon cœur. Savez-vous pourquoi ? — Non, répondis-je dans un chuchotement. — C’est là que j’ai fait ma demande en mariage. — Vous êtes marié ? m’exclamai-je, songeant un peu tard que je n’aurais pas dû sembler si étonnée. — Absolument. Au risque de vous surprendre, madame Christie. Trouvez-vous curieux qu’une femme puisse s’intéresser à moi ? — Non, c’est juste que… — Ça n’a pas la moindre importance. C’est d’ailleurs assez drôle, car, bien qu’elle ne soit plus sensible à mon charme, ma femme s’oppose à notre divorce. — Pour quelle raison ? — Je vous renvoie à votre propre situation, madame Christie. Même après ce qu’il vous a fait subir, je pense, sans trop m’avancer, que vous préféreriez vous accrocher à votre mari. — Eh bien, je… — Imaginez que vous décidiez de ne pas lui rendre sa liberté. Je gage que le peu d’affection qu’il vous porte peut-être encore céderait la place à l’animosité, à une haine pernicieuse, grandissante. À quelles extrémités se réduirait-il s’il croyait ne pas avoir d’autre choix ? Si, obsédé par l’idée de changer de vie, il se persuadait que votre disparition offre la solution idéale, celle qui lui permettrait de repartir à zéro, voire d’envisager un nouveau mariage, après que les choses se seront tassées.

.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}