AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


L’état d’urgence est, par définition, un état d’exception. Un état d’exception qui n’est plus si exceptionnel que cela tant sa fréquence s’accentue en France. Depuis cinq ans, la France a vécu plus de temps sous le régime du droit commun. Trois ans : c’est en effet la durée cumulée entre l’état d’urgence voté à la suite des attentats du 13 novembre 2015 et l’état d’urgence sanitaire voté pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Situation inédite dans l’histoire de la République française, hors période de l’Occupation, l’état d’exception, qui s’inscrit dans la lignée de la guerre d’Algérie, a pris le pas sur le droit commun.
La décision de déclarer l’état d’urgence est une décision politique exceptionnelle qui a des effets sur toutes les institutions et les mécanismes juridiques traditionnels. Cette déclaration a un caractère éminemment performatif, voire thaumaturgique ; son simple énoncé aurait pour vertu de réparer l’urgence sanitaire ou sécuritaire. La communication utilisée pour la justifier use régulièrement d’une rhétorique guerrière – « nous sommes en guerre ». Et en effet, à l’origine de l’état d’urgence, il y a la guerre. Pour les discours présidentiels et gouvernementaux, la déclaration de l’état d’urgence est une déclaration de guerre – une guerre contre un ennemi intérieur. En 2015, la déclaration de l’état d’urgence était une déclaration de guerre contre le terrorisme ; début 2020, la déclaration de l’état d’urgence sanitaire était une déclaration de guerre contre un virus. Fin 2020, lors de la deuxième vague de l’épidémie et la résurgence des attentats terroristes, nous étions en guerre sur deux fronts intérieurs. Ces déclarations de guerre ne sont pas sans rappeler l’origine même de l’état d’urgence, qui est le passage de l’état de siège réel à l’état de siège théorique – la continuation de la guerre par la politique, inversion de la thèse de Carl von Clausewitz par Michel Foucault.
C’est une confusion regrettable et trop fréquente que d’assimiler l’urgence et l’état d’urgence. L’urgence est une situation factuelle liée à une menace particulièrement grave pour la sécurité de la population – épidémie, vague d’attentats terroristes, catastrophe naturelle, etc. L’état d’urgence, quant à lui, est le mécanisme juridique qui octroie au pouvoir exécutif des pouvoirs exceptionnels pour faire face à la gravité de cette menace. Cette confusion donne l’impression communément partagée que la situation factuelle d’urgence implique ipso facto une déclaration d’état d’urgence, c’est-à-dire la mise en place d’un dispositif juridique d’exception. Mais avions-nous réellement besoin de déclarer l’état d’urgence en 2014 en restreignant les libertés pour lutter contre la menace terroriste ? Et surtout, comment le confinement généralisé et l’état d’urgence sanitaire, qui sont des mesures inédites dans l’histoire de France, ont pu être mis en place sans provoquer de contestations majeures de la part de la population, sans que les contre-pouvoirs traditionnels ne se mettent en branle pour en réduire les aspects les plus liberticides ?
Commenter  J’apprécie          00









{* *}