AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


L’un des mécanismes essentiels du passage du droit commun à l’état d’urgence, qu’il soit sécuritaire ou sanitaire, repose sur la façon dont chaque individu est sujet de droit. Il est paré d’un masque juridique protecteur qui lui permet d’avoir un état civil, une capacité juridique, de conclure des contrats, de saisir la justice. Lorsqu’il est interpellé par la police et jugé devant un tribunal, il dispose de droits : il peut notamment garder le silence, faire appel à un avocat, consulter son dossier. Il a le droit d’être jugé par un juge impartial et indépendant, le juge judiciaire. Il bénéficie d’un grand nombre de libertés, notamment celles d’aller et venir, d’avoir une vie privée ou de travailler.
Pendant l’état d’urgence sécuritaire, et notamment celui de 2015, un grand nombre de ces libertés sont profondément restreintes. Une personne assignée à résidence n’a plus la liberté d’aller et venir. Elle peut être perquisitionnée sur la seule décision de l’État, sans qu’un juge judiciaire n’intervienne. S’il est vrai qu’elle peut contester ces mesures, cela se passe devant un juge administratif, qui n’assure pas les mêmes garanties d’impartialité et d’indépendance qu’un juge judiciaire, et dont la manière de juger diffère. Le tribunal administratif est en effet composé de juges issus du sérail administratif, qui sont très complaisants vis-à-vis de leur institution, même s’ils sont pourvus d’un statut indépendant. Dans la plupart des cas, les juges administratifs n’acceptent de contredire les décisions de l’État qu’à la marge, en cas d’excès manifeste.
L’État n’aurait pas pu restreindre aussi drastiquement les droits et libertés des personnes visées par l’état d’urgence s’il ne leur avait pas retiré préalablement une partie de leur masque juridique protecteur : celui qui fait d’elles des sujets de droit. Or, enlever ce masque revient à essentialiser. Cela signifie que le sujet de droit, qui est une fiction juridique, est progressivement remplacé par un sujet déterminé par une caractéristique identitaire, culturelle, psychologique ou biologique. Ainsi, pendant l’état d’urgence de 2015, certaines personnes sont passées de « sujet de droit » à « sujet radicalisé » par le simple fait de leur pratique confessionnelle, à savoir leur pratique de l’islam.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}