N'est-ce pas, au surplus, l'époque où le théâtre s'offre aux jeunes écrivains comme l'arène lumineuse où ils pourront le mieux affirmer leurs programmes, étancher leur soif de gloire hâtive et de triomphes immédiats ? Pour Gérard, le théâtre est surtout le monde factice où la vie se déforme ou s'embellit : ce rideau qui se lève, c'est la porte qui s'ouvre sur les mondes de la fantaisie ; ces décors factices, ces paysages illusoires ont l'attrait mystérieux de l'irréel et du symbole; cette clarté de la rampe, ce jour artificiel, c'est le rayonnement qui transfigure et fait d'humbles actrices des reines de beauté. C'est sous cette lumière, mieux que sous le soleil de la vie, qu'il élira ses amoureuses et verra fleurir son illusion.
Finalement, il délaissa l'architecture. Perplexe alors sur le choix d'un nouvel avatar, il se trouva un jour face à face avec une figure étrangement sympathique. C'était une tête à cheveux ras, à moustache et royale fleuries, tel un portrait du Titien ou de Vélasquez ; un visage composé selon une esthétique si conforme à la sienne,qu'il s'y serait reconnu comme un frère, si le regard n'eût été moins fatal et le sourire moins amer. C'était Eugène Devéria, rayonnant encore du triomphe récent de sa Naissance d'Henri IV.
Ils avaient même sveltesse et même stature, pareil air noble et dédaigneux, égale conscience de leur surprenante façade, encore que la somptuosité d'atours de l'un contrastât avec le costume austère de l'autre. A ce contact se raviva, chez l'architecte renoncé, son ancienne vocation de peintre. Alors, quelque temps, on le vit dessiner dans l'atelier d'Eugène Devéria, où se
rencontraient déjà les jeunes triomphateurs de demain, les plus beaux, les plus vaillants de la phalange de 1830. Ici on rimait autant que l'on peignait, on devisait de réforme poétique autant que de renaissance picturale. Dans cette atmosphère, où l'enthousiasme vibrait au paroxysme, Pétrus se retrouva tout entier.
Ce qui nous frappe encore dans l'art de Nanteuil, c'est un réalisme qui parfois se traduit par la vulgarité de ses types, l'inélégance de ses figures de femmes, dont les traits épais et les lignes sans grâce contrastent le plus souvent avec les ailes et les nimbes qui les spiritualisent.
Le rire dans le Romantisme
Il n'est pas que des larmes, crise de passion et soupirs élégiaques dans le jaillissement luxuriant du romantisme. Le rire n'y doit pas moins avoir sa place : il y éclate, dans la satire drolatique des mœurs, aussi bien que dans le dessin humoristique et la caricature, avec une large explosion de verve et d'ironie.