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Citation de Josephine2


Je déjeune dans l’arrière-salle d’une sandwicherie voisine. Deux hommes dévorent une pizza sans échanger un mot ni prêter attention à la télévision qui diffuse en boucle les images d’une guerre lointaine. Explosions, hurlements, scènes de panique… Je trie mes frites par taille pour isoler les plus croustillantes. L’envoyé spécial parle de morts par dizaines avec l’air affligé d’un serveur annonçant qu’il n’y a plus de plat du jour. Je suis repu. Je bois mon verre d’un trait en payant au comptoir, pressé de retourner à ma lecture. Je choisis un vieux banc que le soleil réchauffe à l’entrée d’un grand parc, retire mon marque-page.
 
– Tu ne peux pas contrôler ce que tu fais de ta vie.
– Ça, c’est sûr.
– Les gens disent que c’est l’hérédité, ou l’environnement… Mais je crois que c’est autre chose.
– Tu crois que c’est quoi ?
– Autre chose… Au-delà de tous ces concepts… Au-delà de ce que l’on sait. (Pause.) Peut-être qu’en rêve, parfois, on caresse la réponse. (Pause.) Qu’est-ce que t’en penses ?
– Je ne sais pas…
– Je ne crois pas que l’on puisse savoir… Je pense que si nous savions, nous serions morts.
– Nous serions Dieu.
– Nous serions Dieu. C’est exactement ça.

– Excusez-moi.
Ces deux mots glissent sur moi comme de l’eau sur une vitre pour aller se diluer dans le murmure du parc. Il ne me reste qu’une page. Le monde n’existera que lorsque je l’aurai terminée.

 
– Tu crois que l’enfer existe ? Que nous y sommes déjà ?
– Je ne sais pas, mec. (Pause.)
– Tu crois que l’on va quelque part quand on meurt ?
– Je ne sais pas mais… J’espère que oui. (Pause.)
– J’espère aussi… Peut-être au Paradis.
– Je ne sais pas.
– Je ne sais pas non plus, mais peut-être. (Pause.)
– J’espère.
 
– Excusez-moi.
J’entends cette fois, au loin, me déconcentre une seconde, perds ma ligne, la retrouve.
– Vous auriez pas quelques pièces ?
 
Il y a dans cette voix fluette une fragilité, une inconsistance, qui m’oblige à quitter le livre des yeux.
C’est un enfant, seul, qui se tient à un mètre. Il a un sac à dos qu’il serre contre son ventre. J’aimerais lui apprendre d’un geste que l’argent n’est qu’un moyen de transport. J’aimerais lui dire qu’entre ses mains sommeille déjà tout l’or du monde.
 
– Où est ta mère ? Pourquoi tu veux des pièces ?
– Pour en faire des étoiles. Vous êtes qui, vous, d’abord ?
 
L’homme ébauche un sourire.
 
– Quelqu’un qui va t’aider.
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