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Citation de Nathalie80


"Comment tu peux supporter que d’autres décident à la place de ton cœur ?"
il suffit d’un signe, une infime ressemblance qui surgit au coin d’un visage, et la question de Layla revient comme une morsure. L’inconnue fuit mon regard, disparaît au bout de la rue. Un homme me bouscule, je serre le poing, je n’ai pas fait tout ce chemin et pris autant de risques pour me perdre dans mes pensées. pour m’égarer aux côtés de son fantôme. Je jette un coup d’œil à ma montre, presque cinq heures déjà, je dois me grouiller. Je me dirige d’un pas pressé vers les anciens docks. La foule se fait plus compacte. Je n’en peux plus de cette ville. Demain matin, je l’aurai effacée de ma vie.
Le passage d’un blindé soulève un nuage de poussière. Je me frotte les yeux, ces satanées lentilles me démangent. Je crève d’envie de les enlever, mais ce serait de la folie. Le voile se dissipe, laissant apparaître devant moi un capteur accroché à un lampadaire. il étudie chaque visage, mais, grâce au brouilleur intégré à mes lentilles, il me prend pour quelqu’un d’autre. Un citoyen-mouton qui n’a rien à se reprocher.
Je dépasse un vieillard qui agite des laissez-passer. Autour de lui, une famille se dispute, des enfants tirent son manteau. Des curieux flairent le bon plan et s’approchent. Tous membres d’une constellation d’espoirs qui descend chaque jour dans cette zone pleine de promesses.
ce bord du monde.
On l’appelle « le quartier des hôtels » à cause des multiples établissements qui débordent de candidats à l’exil. ici autrefois s’élevait un port de commerce glorieux. Avant que la grande roue du néolibéralisme tourne, broyant les dockers et renvoyant les marchandises vers des quais plus rentables. À la suite de ça, à la fin du siècle dernier, le port s’est peu à peu transformé en paradis capitaliste, avec ses centres commerciaux clinquants d’un côté et son pôle économique de l’autre. Mais aujourd’hui, terminé l’éden des vendeurs d’argent, place au paradis des commerçants de l’exode et des marchands de sommeil. Derrière les murs qui m’entourent, selon votre budget, vous avez le choix entre différents standings, ça peut aller d’un matelas infesté de puces dans un supermarché réhabilité à une suite cosy aménagée pour les plus riches dans d’anciens bureaux. On vient des quatre coins de la france, des hommes et des femmes désireux de trouver un moyen de partir. certains sont contraints de prendre une chambre ici alors qu’ils habitent Marseille, mais pas dans la même zone... Des migrants débarquent de plus loin, de toute l’Europe, et beaucoup se retrouvent piégés, ne pouvant plus quitter la ville faute de visa de sortie.
Je traverse la rue des ambassades. À son extrémité, suspendue entre le bitume et la mer, celle de la République du Maroc, qui s’est installée dans l’ancien centre commercial. Le drapeau du pays dont tout le monde rêve flotte fièrement au sommet du quartier des hôtels.
Les trottoirs ne sont que files d’attente, longues comme cette guerre. Devant des fonctionnaires impassibles, on implore, on fond en larmes, on ment. On dépose aux guichets d’imposants dossiers pour solliciter un départ. Depuis le black-out d’internet au printemps 2051, la paperasse est redevenue reine. Les plus chanceux reçoivent un tampon vert sur leur passeport, sésame pour plier définitivement bagage. Je n’ai pas droit à cet espoir. Obtenir un visa implique de se soumettre à un prélèvement ADN. Et le mien dément mes faux papiers... Mon sang, comme mon regard, est classé rouge dans les fichiers de l’armée, associé à celui que je suis vraiment. Un danger public.
Une main se pose sur mon épaule, je sursaute. Nathan, un camarade, me salue avant de m’entraîner à l’écart du flux.
« Alors, c’est pour cette nuit, Sohan ? »
Je hoche la tête, non sans avoir balayé le périmètre du regard. Mes yeux s’attardent un instant sur la cicatrice qui traverse la joue de Nathan. J’étais à ses côtés quand il s’est pris ce coup de poignard l’hiver dernier.
« Bonne chance, mon ami, me glisse-t-il à l’oreille, tu vas nous manquer.
— Merci Nathan. Toi et ta moustache allez me manquer aussi. »
il me prend dans ses bras en riant. Avant de disparaître en un instant, comme nous autres savons si bien le faire. il fait partie de ceux que je vais regretter. Tout à coup, la solitude me pèse. Je me dois de la dompter, elle qui devient ma compagne.
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