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Citation de Charybde2


On sait que, avec Commencement (1989) et les fictions longues qui se succèderont pendant près d’un demi-siècle (jusqu’à Les Enfances Chino en 2013), naît une écriture qui, bien qu’elle ait été rendue possible par tout ce qui l’a précédée, est radicalement nouvelle. Nouvelle en ceci qu’elle s’installe cette fois-ci dans la durée, c’est-à-dire dans la prose, dans le continu, dans la copia et dans la prolifération. Elle est portée par ce que Christian lui-même appelle un « phrasé », c’est-à-dire par un rythme, voire une cadence (il suffit de les avoir entendus une fois pour ne plus jamais les oublier), qui rend possible et conditionne l’enchaînement des événements linguistiques (grammaticaux et lexicaux) en quoi consiste la phrase. Grâce à ce phrasé, l’écrivain connaît l’euphorie de parler enfin sa langue (une langue qui a cessé d’être étrangère à celui qui la profère), faite de l’imbrication et du choc, souvent dans la même phrase, des tonalités émotionnelles et des niveaux de langage (du sophistiqué au trivial, du comique au sérieux, etc.), voire de plusieurs langues (breton, gallo, français médiéval, latin…). D’où cette écriture à la fois très dense (où le moindre mot est un événement considérable) et entraînée dans un mouvement rapide (qui emporte tout sur son passage) et ininterrompu (que rien ne pourrait arrêter sinon l’épuisement du désir). Ce que l’austérité et le raidissement rhétorique de l’écriture militante avaient dû écarter (quand l’urgence était d’abord de déconstruire la littérature pour pouvoir un jour la réinventer) redevient désormais possible : récits, descriptions, personnages, allégories façon Roman de la Rose, lais façon Marie de France, complaintes et chansons paillardes, histoire et sociologies (« C’est quoi qu’on a été, qu’on est, qu’on sera, j’écris pour savoir ça »), tout, non plus presque tout, peut être dit – qui était déjà là, à disposition en quelque sorte, mais déréalisé et confisqué par le symbolique, tout peut enfin surgir et être nommé, dans sa fraîcheur, c’est-à-dire (pourquoi ne pas oser le mot ?) dans sa vérité. (Alain Frontier, « Comment j’ai connu Christian Prigent »)
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