Bernard Dubant

Il semble que dans toutes les sociétés naturelles, « dionysiaques », on respectât ce que les Shivaïtes appellent la « troisième nature ». « C’est parmi les intersexuels que se recrutaient principalement les shamanes, les magiciens, les moines errants, les initiés, les vierges sacrées, les prêtresses, mais aussi les artistes créateurs.
Certes, les shamanes d’Amérique du Nord sont loin d’être tous « intersexuel » ; ne le furent manifestement ni Sitting Bull, ni Crazy Horse, ni Hehaka Sapa, ni Lamer Deer, mais dans de nombreuses contrées, les shamanes ont souvent ce caractère androgyne, que l’on trouve, d’une certaine façon, chez « l’artiste créateur ». Il y’a chez l’androgyne, ou la gynandre, une communication entre les parties féminines et masculines, entre le « côté droit » et le « côté gauche », qui évoque l’union principielle de Shiva (masculin) et (Shakti) parèdre de Shiva, aspect féminin, énergie). Et Alain Daniélou mentionne qu’en Inde, chez les Shivaïtes, « aujourd’hui encore la présence d’un prostitué travesti, dernier vestige du shamane androgyne, est de bon augure lors des cérémonies de mariage », de même que chez les Lakota, le « winkte » est réputé favorable à plus d’un égard.
Ce sont les civilisations puritaines qui ont, par ignorance de la nature des êtres, de leur fonction, de la diversité du monde sacré, qui est la Nature, par goût de l’uniformité et de la répression, rejeté l’homosexualité « naturelle » dans le royaume de la malédiction, la multipliant ainsi d’une façon malsaine, parce que lesdites civilisations bourgeoises, productivistes, utilitaires et moralisantes, n’ont « homologué » qu’un seul type de comportement, qu’un seul type d’homme et de femme. De même, la vocation « chevaleresque » a été rejetée ou caricaturée, au nom de l’utilitarisme (où l’utilité d’ailleurs fait souvent défaut) et du moralisme « démocratique ».