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Citation de Partemps


Le tournage eut lieu dans l’exaltation en janvier et février 1974, suivi du montage à Paris pendant tout le restant de l’année. Je tenais Glenn constamment informé de son évolution, par courrier et par téléphone. Lui-même, au cours de ces échanges, m’écrivit, tout en s’enquérant de l’accueil réservé par les instances appropriées à mon nouveau projet consistant à filmer avec lui les quarante-huit préludes et fugues du Clavier bien tempéré de Bach : « Ces quelques semaines restent parmi les plus heureuses de mon existence professionnelle. »
La diffusion de ces films, dont le contre-sujet (le sujet principal étant évidemment Gould lui-même) était le rapport de la musique avec les moyens de communication de masse et les techniques d’enregistrement, et au cours desquels Glenn interprétait Bach, Schoenberg, Byrd, Gibbons, Wagner, Scriabine, Berg et Webern, connut en France un retentissement considérable. Au-delà des milieux musicaux, le monde intellectuel était en émoi. Dans un pays où, la veille encore, il était à peu près totalement inconnu, Glenn Gould était devenu en une seule soirée, et hors de toute présence physique, un véritable mythe.
Il est vrai que nous bénéficiâmes de circonstances incroyablement favorables. Le jour de la diffusion du premier épisode, les trois chaînes que comptait la télévision française à l’époque étaient en grève. Cependant, afin que les écrans ne restent pas noirs toute une soirée, la loi imposait la diffusion simultanée sur les trois chaînes d’un "programme minimum". C’était un samedi soir, traditionnellement réservé à des émissions de divertissement diffusées en direct. La grève rendant impossible le direct, les programmateurs s’étaient rabattus, sans nul doute à contrecœur, sur le seul film prévu ce soir-là et le diffusèrent en début de soirée. Ceux qui ne se résignaient pas à être privés de leur drogue, de leur télévision bien-aimée, n’eurent d’autre choix que de regarder un personnage étrange qui parlait de sa chaise disloquée comme de « son ami le plus proche », proclamait avec jubilation « sa foi dans l’intrusion de la technologie qui impose à l’art une dimension morale transcendant l’idée d’art elle-même » et qui jouait Bach et Wagner dans un état de transe extatique.
Vingt-huit ans ont passé depuis. Glenn n’est plus physiquement de ce monde. (L’a-t-il d’ailleurs vraiment jamais été ?) Il ne semble pas que le Gould extraordinairement spontané qui se révèle dans ces documents ait rien perdu de sa magie.
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