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Citation de Cielvariable


Les pieds nus de Kylie filaient sur la terre à toute allure.
Elle entendit le mélange de voix qui venait du réfectoire,
où tout le monde s’était rassemblé après les funérailles
d’Ellie. Ellie, morte à cause de Mario.
Une nouvelle vague de culpabilité la submergea. Elle
accéléra encore. Elle ne voulait pas rejoindre le groupe.
Elle… avait besoin… d’être seule.
Elle était presque arrivée devant son bungalow lorsqu’elle
ressentit un courant d’air la croiser à toute allure. Un courant
d’air de vampire. En chasse, peut-être.
Kylie se força à presser le pas et se prépara mentalement
à se battre. Non pas qu’elle ait la moindre chance de remporter
une bataille contre un vampire. Quelle que soit sa
super force, elle ne lui servait qu’à aider autrui.
Une protectrice, l’appelaient les autres surnaturels. Mais
comment pouvaient-ils la surnommer ainsi alors qu’elle
n’avait pas protégé Ellie ? Même les dons de guérisseuse
de Kylie avaient échoué. Comme c’était injuste qu’elle
puisse ressusciter un oiseau, mais pas une amie… Elle en
aurait payé le prix. Quelle que soit le morceau d’âme
qu’elle eût été obligée de donner pour sauver Ellie.
Elle ressentit de nouveau, le courant d’air qui la croisa
à toute allure. Cette fois, elle vit un rideau de cheveux
bruns raides tourbillonner au vent. Un vampire, clairement.
Mais pas en chasse.
Della apparut à côté d’elle, courant elle aussi à tombeau
ouvert. Mais c’était un vampire, elle avançait avec aisance,
comme pour faire son jogging quotidien.
– Où est le problème ?
La chevelure foncée de Della, qui révélait ses origines
asiatiques, volait derrière elle comme un drapeau.
– C’est toi, le problème. (Kylie s’arrêta dans un sursaut.)
Je ne supporte pas que tu me croises à toute allure sans
que je puisse deviner que c’est toi. Je me sens menacée.
J’ai l’impression d’être une… proie.
– Zut alors, dit Della de sa voix trahissant sa mauvaise
humeur habituelle. Excuse-moi de me faire du souci. Je t’ai
entendue cavaler comme une dératée et j’ai cru que l’on
te poursuivait.
– Désolée, personne ne me court après.
Le regard de Kylie se reposa brusquement sur les bois.
Ils me narguent juste pour me faire entrer dans la forêt, pour que
je les affronte. Mais qui était-ce et pour quelle raison ? Avant,
elle avait cru que c’était Mario, mais si elle s’était trompée ?
– Que s’est-il passé ? demanda Della.
Kylie arracha ses yeux de la forêt.
– Rien.
Della inclina sa tête de côté, comme si elle écoutait le
coeur de Kylie, cherchait des signes de mensonge. Elle roula
des yeux.
– Menteuse, menteuse, ton nez s’allonge !
Kylie grommela.
– D’accord, je mens. Et Pinocchio ne m’arrive pas à la
cheville !
– Waouh, tu es de charmante humeur ! Et à cause de
quoi ?
– De toi.
Son ton mordant la fit tressaillir.
Della se fendit d’un grand sourire, comme si elle appréciait
la colère de Kylie. Celle-ci se mit en route.
– Qui est censé t’escorter ? demanda-t-elle.
– Je ne sais pas.
Le regard de Kylie se posa brusquement sur le bois, et
la sensation fut plus forte que jamais. Elle détala le long du
chemin, repoussant ses limites. Elle ne s’arrêta pas avant
d’être arrivée à son bungalow. Elle avait des crampes
d’estomac à force de courir. Elle s’affala sur leur terrasse.
– Alors, que s’est-il passé ? demanda Della, qui n’avait
même pas de mal à respirer et se laissa lourdement tomber
à côté d’elle.
Quelque chose m’appelle dans les bois.
Ça paraissait fou. Kylie ne pouvait pas le dire. Elle
regarda Della. Les yeux noirs légèrement en amande de sa
coloc semblaient sincèrement inquiets, et cela lui donna
l’impression d’être une garce.
– Désolée, je suis de sale humeur.
– Ce qui est tellement rare, rétorqua Della. J’adore !
Kylie roula des yeux et décida de jouer franc-jeu :
– As-tu déjà entendu parler des caméléons ?
– Oui.
– Vraiment ? Et que sais-tu sur eux ?
– Ce sont des lézards qui changent de couleur. Selon
Chan, ils n’ont pas trop mauvais goût. À Hawaii, les vampires
du coin vendent leur sang. Il est censé être aussi bon
qu’un O négatif.
– Non.
Kylie remonta ses genoux et les serra.
– Non quoi ?
– Euh… les caméléons sont-ils une sorte de surnaturels ?
– Un lézard surnaturel ?
Della rit.
Kylie sursauta.
– Hé, dit son amie en s’affalant à son côté. Qu’est-ce
qui ne va pas ?
Kylie ouvrit la porte du bungalow d’un coup et reposa
les yeux sur sa coloc.
– Tout va mal.
– C’est à cause d’Ellie ?
La voix de Della révélait une émotion qu’elle cachait
d’habitude.
Le coeur de Kylie se serra davantage.
– Oui, c’est à cause d’Ellie. Et c’est parce que je suis un
lézard. C’est un tout, quoi.
– Tu es un lézard ?
Le sérieux disparut des yeux de Della, qui se fendit d’un
grand sourire.
Kylie passa la porte à toute allure, puis se retourna d’un
coup.
– Oui, tu es un vampire. Et moi, je suis un lézard, alors
autant s’y faire, et maintenant !
Le sourire railleur de Della s’en alla.
– Tu as fumé la moquette ? Sérieux, pour moi, tu es un
loup-garou. Ce nouveau comportement de râleuse est
hyper révélateur !
– Parce que les vampires ne râlent jamais ?
Kylie roula des yeux.
– Non, nous sommes casse-pieds. Casse-pieds et râleurs,
ce sont deux choses complètement différentes.
Della entra. Sa tentative de faire de l’humour était censée
l’aider, pas lui faire du mal.
Mais Kylie n’était pas d’humeur.
– Je ne suis pas un loup-garou. (Les larmes lui piquèrent
les yeux.) Si c’était le cas, alors Lucas serait heureux et tout
irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Della ouvrit la bouche en grand.
– Tu es sérieuse ? Qui t’a dit que tu étais un lézard ?
– Mon père.
Les yeux de Della s’écarquillèrent.
– Tu délires ?
– Pas du tout.
Della s’affala sur le canapé et passa la pièce en revue à
toute allure.
– Est-il présent en ce moment ?
– Non.
– Ouf. (Elle se frappa les cuisses.) Peut-être qu’il avait
fumé quelque chose ?
Kylie leva ses yeux remplis de larmes au ciel.
– Tu pourrais arrêter de balancer des vannes ?
Della prit un coussin qu’elle lui jeta dessus.
– Tu vois, c’est l’attitude de loup-garou qui ressort
encore !
Kylie virevolta sur elle-même pour entrer dans sa chambre,
mais avant qu’elle n’arrive à la porte, Della se planta
d’un coup devant elle. Flippante, la vitesse d’un vampire !
– Très bien, dit-elle. Je vais essayer d’être sérieuse…
mais c’est de la folie ! Je sais que tu ne veux pas le croire,
mais on te fait sûrement une farce. Un lézard surnaturel,
ça n’existe pas. Tu n’as qu’à lui demander.
– Demander à qui ?
La porte d’entrée du bungalow claqua lorsque Miranda
entra. Ses cheveux blonds détachés étaient parsemés de
rose, de vert et de noir. Kylie ignorait si son amie se servait
de ses pouvoirs de Wiccan ou d’une coloration maison pour
colorer sa chevelure.
Miranda fronça les sourcils.
– Pourquoi m’as-tu laissée en plan ? demanda-t-elle à
Della.
Celle-ci fit la grimace.
– Désolée, Kylie est en pleine crise. Je ne peux jouer les
Super Copines qu’avec une seule d’entre vous à la fois.
Miranda regarda Kylie.
– Quel genre de crise ?
D’habitude, la jeune fille partageait tout avec ses colocs.
Mais à cet instant, elle regretta de ne pas avoir fermé sa
bouche. Tout ce temps, elle avait voulu savoir ce qu’elle
était et pensait que cela résoudrait tout, mais voilà qu’elle
le savait et se sentait plus perdue que jamais.
– Une belle crise de reptile ! pouffa Della en flanquant
sa main à sa bouche. (Puis elle lança un regard d’excuse à
Kylie.) Oups !
– Quoi ? fit Miranda.
Della laissa tomber une main sur sa hanche.
– Explique à Kylie que les lézards surnaturels, ça n’existe
pas.
– Perry peut se transformer en lézard. (Les yeux de
Miranda brillaient de fierté.) Hier, il s’est changé en…
– Arrête, lâche-nous avec Perry ! (Della colla ses deux
mains sur son ventre.) Promis, je vais gerber.
– Ce que tu peux être vache ! la rembarra Miranda.
– Je ne suis pas vache, j’en ai juste marre d’entendre
des trucs sur Perry. « Les orteils de Perry sont si mimi !
Perry a la plus belle des taches de rousseur derrière l’oreille
droite » et patati et patata…
– Tu es jalouse, c’est tout ! Parce que tu n’as pas de
chéri, alors que Kylie et moi en avons un !
Avait. Kylie avait un copain. Elle ne savait pas trop ce qui
allait advenir entre Lucas et elle, à présent. Ses supplications
pour qu’elle ne s’enfuie pas résonnaient dans son coeur.
– Jalouse ? lui hurla Della. Arrête, je préfère encore
avaler mon propre coeur que devenir transie d’amour
comme toi !
Miranda leva la main et agita le petit doigt – un signe
sûr qu’une incantation allait jaillir de ses lèvres. Les yeux
de Della brillèrent et elle montra ses canines.
– Arrêtez ! (Kylie laissa aller son regard de l’une à
l’autre. Elle ne pouvait plus les supporter.) Oh, et puis non,
continuez. Vous deux, vous menacez de vous entretuer
depuis que je suis arrivée ici, et je n’en peux plus ! Alors,
allez-y, tuez-vous et abrégez mes souffrances, que l’on en
finisse !
Intérieurement, elle tressaillit de nouveau. Elle ne le pensait
pas. Pas même maintenant, quand elle était furieuse,
mais peut-être qu’un peu de psychologie inversée pourrait
aider ces deux-là.
Miranda et Della regardèrent fixement Kylie, comme si
elle avait perdu la tête, et elles avaient sûrement raison,
mais c’était en partie leur faute. Leurs chamailleries
constantes lui avaient fait péter les plombs.
– Allez, qu’attendez-vous ? Tuez-vous ! Et arrangezvous
pour que ce soit divertissant.
Elle croisa les bras et les foudroya du regard. Elle se mit
à taper du pied droit, exactement comme sa mère quand
elle allait piquer une colère.
Les yeux de Della retrouvèrent leur couleur noire et ses
canines disparurent sous sa lèvre supérieure. Miranda
baissa son petit doigt menaçant. Alors comme ça, la psychologie
inversée avait marché. Ah ah ah ! Qui l’eût cru ?
– C’est quoi son problème ? demanda Miranda à Della,
comme si Kylie était trop perturbée
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