Musicien de votre première communion par une de ses oeuvres, Gounod fut mêlé de plus près, et de sa personne même, à celle d'un enfant que j'ai connu jadis et « qui me ressemblait comme un frère ». Je revois — déjà dans le lointain — la sortie de l'église et le parvis luisant de soleil. L'illustre auteur de Faust avait assisté à la cérémonie. Le fils d'un de ses amis était parmi les jeunes néophytes. Comme il achevait de descendre les degrés : « Maître, lui dit le père, qui tenait le petit garçon par la main, permettez-moi de vous présenter un enfant qui aime beaucoup la musique, et votre musique. Je vous demande de vouloir bien ajouter à toutes les bénédictions qu'il vient de recevoir une bénédiction de beauté. »
Alors Gounod, de sa voix chaude, vibrante, et que j'entends encore, s'écria : « Mon enfant, aujourd'hui je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ta chaussure. C'est toi qui me béniras! »
Et, joignant le geste mystique à la parole ardente, sur le pavé de la place, et le front découvert, on vit le grand artiste tomber à deux genoux devant le petit garçon. Celui-ci ne le bénit point. Surpris et confus, il fit ce que vous auriez fait à son âge : il pleura. Et depuis cette rencontre, où commença leur inégale mais tendre et fidèle amitié, il n'a jamais entendu sans un vague désir de larmes le cantique de Gounod pour la première communion.