Environ cinq mois après avoir connu le Cheikh Tadili, une nuit, ayant terminé mes prières et le dhikr, je me reposai, en méditant. Soudain, mon ciel intérieur s'entrouvrit et je reçus une pluie de connaissances spirituelles aussi lumineuses et nombreuses que des étoiles, et plus précieuses que des diamants. J'éprouvai ravissement et tourment, alternativement. Car à peine en avais-je saisi une, qu'une autre se présentait aussitôt, sans qu'il me fût possible de m'emparer d'elles toutes. Ce merveilleux trésor exaspérait ma convoitise, et mon impuissance devenait un supplice.
Finalement je renonçai, devant la vanité de mes tentatives. Il me revint alors à la mémoire un passage de la Bible : quand la manne, nourriture providentielle, tomba du ciel sur les Hébreux, il leur fut permis d'en ramasser suffisamment chaque jour, mais avec l'interdiction d'en faire provision. Je réfléchis longtemps, trouvant une certaine similitude entre mon cas et celui-là, mais il aurait fallu opérer les transpositions nécessaires, et je jugeai téméraire de ma part de me hasarder sur ce terrain. Il était plus prudent d'avoir l'avis du Cheikh.
Le lendemain, lorsque j'allai raconter au Cheikh ce qui m'était arrivé, il s'exclama : « Ne cours pas après les connaissances, vérités ésotériques, c'est à elles de venir à toi ! »
Il n 'était pas question pour moi de douter de ces paroles.
Je devais les accepter telles, sans les comprendre. Je n'avais pas fait mention du passage de la Bible, en m'interrompant il ne m'en avait pas laissé le temps. Toutefois je ne pouvais m'empêcher d'y penser, car j'y trouvais un plaisir ignoré jusque-là.