Citation de gflorens84
C'est à ce moment [décembre] qu'arrive ce qui dans l'année du professeur doit correspondre au marronnier du journaliste, le thème tristement récurrent, une phrase, toujours formulée de la même façon : "À quoi ça sert de ..." ? [...]
La question a quelque chose d'une sommation annuelle. Ne pas y répondre serait perdre la face, c'est-à-dire toute légitimité. J'ai beaucoup varié mes réponses depuis vingt ans. Est-ce une preuve d'inconstance de ma part ou celle que les élèves changent ? Comme sa forme est quasi canonique, cela dépend aussi de qui la pose et sur quel ton.
[...]
Si l'interrogation avait été formulée par l'un des candidats à "Star Academy", je n'aurais pas résisté à l'envie de la réponse-provocation : cela ne sert à rien ; en ajoutant peut-être, comme une autre collègue merveilleusement savant et assez désespéré : "Et c'est pour cela que c'est beau", d'une voix un peu lasse. À moi Georges Bataille et les discours, même un peu passés, des années soixante-dix. Cela ne sert à rien ou cela ne sert plus à rien ? Aujourd'hui, chacun sait que la promotion sociale ne passe plus par le savoir. Je m'agite sur les ruines qui ne peuvent même plus servir de piédestal.
Mais cette année, c'est la veuve sicilienne, icône énigmatique de je ne sais quel deuil, qui m'a demandé : "À quoi ça sert de ... ?" J'ai répondu simplement, en regardant mon seul allié, le lecteur : " À quoi ça sert de ne pas avoir lu Nigel Barley ?". La question retournée, même sous cette forme improbable, a rempli son office, reçue dans un silence perplexe.
C'est peut-être ça la bonne réponse, définitivement. À quoi ça sert de ne pas savoir ?
La question a quelque chose d'une sommation annuelle. Ne pas y répondre serait perdre la face, c'est-à-dire toute légitimité. J'ai beaucoup varié mes réponses depuis vingt ans. Est-ce une preuve d'inconstance de ma part ou celle que les élèves changent ? Comme sa forme est quasi canonique, cela dépend aussi de qui la pose et sur quel ton.
[...]
Si l'interrogation avait été formulée par l'un des candidats à "Star Academy", je n'aurais pas résisté à l'envie de la réponse-provocation : cela ne sert à rien ; en ajoutant peut-être, comme une autre collègue merveilleusement savant et assez désespéré : "Et c'est pour cela que c'est beau", d'une voix un peu lasse. À moi Georges Bataille et les discours, même un peu passés, des années soixante-dix. Cela ne sert à rien ou cela ne sert plus à rien ? Aujourd'hui, chacun sait que la promotion sociale ne passe plus par le savoir. Je m'agite sur les ruines qui ne peuvent même plus servir de piédestal.
Mais cette année, c'est la veuve sicilienne, icône énigmatique de je ne sais quel deuil, qui m'a demandé : "À quoi ça sert de ... ?" J'ai répondu simplement, en regardant mon seul allié, le lecteur : " À quoi ça sert de ne pas avoir lu Nigel Barley ?". La question retournée, même sous cette forme improbable, a rempli son office, reçue dans un silence perplexe.
C'est peut-être ça la bonne réponse, définitivement. À quoi ça sert de ne pas savoir ?