Par moments il lève ses yeux vers les miens et à la tristesse qu'ils contiennent, à la supplique qu'ils m'adressent, je n'ai pas de réponse. Je m'efforce de donner à mes traits la sérénité rassurante qui convient mais en vérité, je sais où est sa mère. Je me demande si les villageois l'ont enterrée.
Cette forêt est un tapis sombre qui couvre le monde à perte de vue. Elle est si épaisse qu'on se demande comment on va cheminer là-dedans. Elle est si grande qu'on se demande si elle a une fin. Elle est si dense qu'on se demande si la lumière peut s'y frayer. Elle est terrifiante.
- Je suis dans les affaires depuis longtemps. J'en ai vu des donneurs de leçons, mais vous n'avez pas le profil. Je suis certain que vous êtes une gentille gosse. Faites attention quand même. On a vite fait de devenir casse-couilles, quand on sauve l'humanité.
"Père, quand arriverons-nous?" je lui ai demandé. Il a regardé par terre. "Le chemin est long, a-t-il fini par dire, nous aurons faim, nous serons fatigués. Mais nous arriverons". Ensuite nous sommes restés côte à côte, silencieux auprès du feu, à nous régaler de l'odeur des haricots qui cuisaient.
Tu sais ce qui arrive aux femmes dans cette forêt, avec cette guerre. Même aux toutes jeunes filles, les Rwandaises comme les Zaïroises. Tout le monde se sert! Comme si le corps des femmes n'existait que pour soulager la folie des combattants!" (Bazungu).