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Citation de Partemps


6-
La question des sujets et le sujet du poème
– Vous insistez sur la notion de sujet et la nécessité de le distinguer de l’individu : « il
importe de ne plus confondre la notion poétique-éthique-politique du sujet avec la
notion sociologique d’individu » (Politique du rythme, p. 24). Pourriez-vous revenir
sur les différences entre sujet et individu ? Quelles en sont les conséquences pour la
poésie ?
– C’est vrai que ces deux termes comportent chacun des problèmes différents. La notion d’individu est très précieuse, parce que vous êtes un individu,
8)
je suis un individu. Il y a eu au XIIe
s. en France un débat sur ce qu’on appelle
l’humanité. Pour les tenants du réalisme logique, l’humanité existe et les
individus sont des fragments de l’humanité et n’existent pas en tant qu’individus. Pour les nominalistes au contraire, les mots n’étant que des noms qu’on
met sur les choses, l’humanité n’est que l’ensemble des individus.
Les deux points de vue sont des points de vue. En tant que points de vue,
rien à dire. Mais il y a des conséquences que je n’ai vu nulle part exposées
jusqu’ici. Si, pour le nominalisme, les individus existent d’abord, l’humanité
étant l’ensemble des individus, défendre la vie d’une seule personne, c’est
défendre la vie de l’humanité toute entière. Il y a une phrase merveilleuse de
Montaigne dans le livre III des Essais : « Chaque homme porte la forme entière
de l’humaine condition ». Je prends l’exemple de l’affaire Dreyfus à la fin du
XIXe
s. en France. Dans l’Europe chrétienne et catholique, il avait le malheur
d’être juif. Il a été accusé à tort d’avoir trahi. La vérité, c’est que l’armée avait
fait un faux pour le faire accuser. Contre ceux qui défendaient l’honneur de
l’armée, d’autres, comme Zola par exemple, dans sa fameuse lettre J’accuse,
ont défendu un petit capitaine de pas grand-chose. Ils l’ont défendu parce
qu’ils voulaient défendre la justice et la recherche de la vérité. La justice et la
vérité sont des notions qui concernent à la fois chaque individu et l’ensemble
de l’humanité. Il y a des cultures où la notion d’individu n’existe pas, comme
l’a montré un philosophe allemand des années 1920-1930, qui vivait en France, du nom de Groethuysen : Anthropologie philosophique. Groethuysen montre
que la notion d’individu apparaît pour la première fois chez saint Augustin.
Venons-en maintenant au sujet. Un thème à la mode en France depuis
plusieurs dizaines d’années – ça vient quand même des psychanalystes –, c’est
la question du sujet. Je suis très critique vis-à-vis de ce que la culture ambiante
appelle la question du sujet. Je demande : « c’est à quel sujet ? ». La question
du sujet a l’air de dire qu’il n’y a qu’un sujet. Mais non. Dans chaque individu,
il y une douzaine de sujets, lesquels ne sont pas tous également présents chez
chacun. Mais conceptuellement et dans l’histoire de l’Occident, ils sont tous
présents.
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