AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Ombre256


Le mercredi est l’un de mes jours préférés. Nous sommes le douze septembre 2018 et nous avons la chance de profiter d’un bon quinze degrés ce matin. Je sors de la boutique de Dunkin’ Donuts[1]. Il est huit heures trente. Comme à mon habitude, j’ai choisi un café Dunkin Dark et un lot de quatre donuts. Mon préféré reste néanmoins l’indémodable Rainbow aux billes de sucre de couleurs vives. J’adore venir ici. Si je n’y ai pas acheté plus d’une centaine de pâtisseries que la foudre me tombe tout de suite sur la tête ! Avec leur large amplitude horaire, je peux quasiment toujours profiter d’une pause gourmande. C’est sans doute mon plus grand péché. Je reconnais être la première à goûter à toutes les nouveautés. Betty me garde tout le temps ceux que je préfère et même si ça me porte légèrement sur les hanches, je ne me priverai de ce plaisir pour rien au monde. J'ajouterais aussi que passer au Dunkin’ Donuts tous les matins fait partie des composantes d’une bonne journée !

Ce que je vois de l’autre côté de la rue en revanche, ça ne me dit rien qui aille en ce sens. Face à mon bâtiment aux briques rouges s’est arrêtée une Ford Crown Victoria de couleur gris métallisé. Mes yeux cherchent de loin la plaque d’immatriculation. C’est maintenant que mon intuition se transforme en quelque chose de bien plus sérieux. La voiture est banalisée. Je pourrai croire que c’est un flic patrouillant dans le secteur qui a un creux, mais la jeune femme qui sort de là se dirige vers l’entrée de mon immeuble. Je ralentis mon pas tandis qu’elle visse son portable contre son oreille. Je l’entends nettement jurer entre ses dents quand j’approche des escaliers :

— Quoi ? Non, mais t’es pas sérieux !

Je reste immobile dans son dos, tant qu’elle ne m’a pas vue, pour l’écouter répondre avec beaucoup de passion :

— Non, je n’achète pas ton excuse ! Lee a dû te prévenir depuis plusieurs jours que tu devais témoigner.

Quand elle se tourne, ses iris verts se posent sur moi avec surprise et interrogation. Son regard est si perçant, voire inquisiteur, que j’ai l’impression qu’elle va m’accuser de me trouver là. Rapidement, sans me quitter des yeux, elle annonce pour mettre fin à sa conversation :

— Jeez[2] ! D’accord, je m’en occupe toute seule.

Dans son mouvement pour ranger son téléphone dans la poche de son blouson, je distingue son insigne de police attachée à sa ceinture. Je pose un instant les yeux sur son pantalon corbeau impeccable. Plus large au bas, il adopte une ligne fuselée. C’est un vêtement élégant et bien taillé tout comme la veste en cuir noir qui parfait sa tenue. Je ne sais pas qui est ce flic, mais ce qui est sûr c’est que je m’en souviendrai.

Malgré les quinze degrés, je ne distingue qu’un chemisier blanc sous les pans ouverts de son perfecto. Ça contraste avec mon style très matinal et surtout confortable. Je suis bien au chaud dans mon sweatshirt épais aux couleurs vertes et grises de l’équipe des Boston Celtics[3]. Contrairement à elle qui est bien habillée, je suis encore dans mon pantalon de survêtement sombre.

Tandis qu’elle continue de m’observer avec cette étrange lueur dans l’œil, je prends la parole avant que mon café ne refroidisse :

— J’habite ici.

Le sous-entendu est clair : elle est sur mon passage et m’empêche d’accéder à la porte de l’immeuble. La femme dont j’estime l’âge vers la trentaine se redresse. Elle porte des cheveux courts, coiffés d’une façon désordonnée qui en dit long sur ses habitudes matinales. J’esquisse un sourire à cette pensée un brin moqueuse.

— Vous êtes madame Catalina Taylor ?

Surprise d’être visiblement la personne qu’elle cherche, j’ai un instant de silence. Même s’il passe d’elle à moi la certitude que je suis celle qu’elle voulait trouver, je questionne par prudence :

— Qui la demande ?

— Inspectrice Blackwell, de l’Unité Spéciale des Crimes Non Résolus.

Si je suis un moment soulagée par son annonce parce qu’elle ne vient pas d’une brigade des stupéfiants, je n’en suis pas moins rassurée. C’est vrai, j’oublie que posséder de l’herbe est devenu légal à Boston maintenant, mais il persiste en moi cette légère angoisse depuis que l’un de mes voisins m’a fait des histoires. Toujours est-il que l’inspectrice n’a pas bougé et qu’elle se tient sur le perron en hauteur face à moi. Qu’est-ce que je pourrai bien avoir à voir avec une affaire de crime non résolu ?

— Vous préférez qu’on aille en discuter au poste, madame ?

— Bien sûr que non. Mon appartement est juste là, suivez-moi.

Cette fois, elle s’écarte pour me laisser indiquer le chemin. Moi qui désirais un petit déjeuner paisible, me voilà servie. Si encore j’avais pu l’anticiper en faisant un rêve, mais non. Quand ça me concerne, je ne sais jamais rien. Tu parles d’un don utile.

Je pousse la porte en restant silencieuse sur mon passage jusqu’à ce que nous arrivions au troisième étage. Dans ma tête, je cogite sur la possible raison de sa venue, mais ce n’est qu’une fois l'entrée refermée que j’ose questionner :

— Est-ce que je dois m’inquiéter ou appeler un avocat ? »
Commenter  J’apprécie          00









{* *}