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Citation de Irisa


Cyparis aimait son public. Quand le projecteur, après de longs et pénibles préparatifs, faisait enfin apparaître en proportions gigantesques le visage d'un héros et que le mur de l'abattoir s'ouvrait comme une fenêtre sur des jungles et des déserts, le lilliputien restait tapi dans l'obscurité et observait les visages des spectateurs dans les reflets bleus de l'écran. Parfois il lui semblait reconnaître dans leur mimique muette la puissance inextinguible de ses propres désirs. Cyparis, qui même debout n'arrivait à hauteur de visage que des gens baissés, des culs-de-jatte et des personnes forcées de se mettre à genoux, et pour qui un chien de ferme avait la taille d'un veau, se prenait à rêver, dans cette obscurité, de sveltesse, de haute taille et de grandeur. Il voulait s'élancer comme un arbre. Et Cyparis, qui avait visité tant de villes, qui avait mené son attelage dans des contrées inconnues, par les marais d'altitude et les terres désertiques, bien au-delà de ce que pouvait simplement imaginer un fondeur de fer de Tomes, éprouvait alors tout à la fois le désir de la profondeur de la terre et de la hauteur des nuages, d'un site immuable sous un ciel immuable. Parfois il s'endormait pendant la représentation sur ce genres de désirs et rêvait d'arbres, de cèdres, de peupliers, de cyprès, rêvait qu'il poussait de la mousse qur sa peau dure et abîmée. Puis les ongles de ses doigts de pied éclataient sous la poussée, des racines sortaient de ses jambes torses, s'insinuaient dans le sol, fortes, virulentes, et commençaient à l'attacher de plus en plus profondément dans son site. Les années de sa vie cerclaient son coeur d'un aubier protecteur. Il grandissait.
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