Ah que dire de cette lecture !
Cela a été un bon moment, je l’ai d’ailleurs dévorée en 48h. On constate une rapide entrée en matière narrative puisque l’on se retrouve projeté dès les premières lignes dans le tumulte intérieur de Louise. A essayer de comprendre ce qui taraude son esprit et le tient en éveil.
En résulte donc des aller-retours incessants vers les méandres du passé, comme autant de souvenirs cueillis et re-semés inlassablement dans le jardin de sa mémoire. La remontée des souvenirs prend place en tout temps toute heure. On voit alors défiler les amours du passé, les premières passions et leurs amères déceptions. Les récits d’enfance, les désillusions de jeunesse et l’espoir de promesses futures. Les joies de la grossesse, les questionnements existentiels, puis la fatigue interne, la flamme qui s’éteint et faiblit. On rebrousse chemin au gré de l’auteur et on remonte le temps afin de saisir l’histoire de chacun des personnes, de comprendre ce qui a fait leur essence et a façonné leur être.
Plusieurs sujets sont traités avec une plume très personnelle : la paternité, le divorce, les enfants, l’amour qui s’éteint au fil des années, le rapport à l’écriture, le besoin de se poser des questions pour continuer à avancer tout en trouvant du sens à sa vie…
C’est ainsi que dans une bonne partie de l’ouvrage, Louise raconte son rapport à son père. La tristesse qu’a vécu sa propre mère avec cet homme et la force avec laquelle elle aurait souhaité changer les choses, lui éviter une vie de malheur et de désillusions. Certains passages relatent alors l’origine de cette souffrance, intrinsèquement liée au père qui a fait s’effondrer leur famille et n’a fait qu’attiser la haine que lui vouait sa fille. La manière dont cela est décrit témoigne de tous les espoirs brisés que le père a déçu. Toutes les fois où son amertume, son sarcasme et ses critiques ont terrassé ceux qui se trouvaient autour de lui. Puis le dégoût, envers ce père qui n’a jamais su donner ni tendresse, ni amour ni reconnaissance à sa femme et à ses enfants. La dissociation entière de cet individu et la honte de porter son nom blessent d’autant plus qu’elle n’a pas d’autre choix que d’être sa fille.
J’ai trouvé cette partie simplement et merveilleusement bien expliquée, avec des mots sans apparat qui vont chercher loin dans le ressenti. Des mots qui vont exorciser ses démons intérieurs puisqu’elle met des mots sur ce qui fait mal et narre l’irréparable puisque ce père ne changera jamais. Il restera ancré sur ses positions, sûr de posséder la science infuse, seul à détenir la vérité absolue.
Et puis bien sûr, est également traité le sujet de l’écriture. Puisqu’ici c’est ce qui permet au personnage principal de s’attacher à la vie, malgré la maladie, pour continuellement se souvenir, se rappeler. Cette urgence d’esquisser des mots, de retenir un peu plus sa mémoire, de reconstituer ses souvenirs est ce qui pousse Louise à entreprendre son voyage en corse pour réconcilier avec sa mémoire.
Les phrases sont longues et la description va bon train, quant à la narration, elle se fait à un rythme soutenu. La description détaillée des instants, des lieux et des objets permet rapidement au lecteur d’imaginer les scènes et de revivre par procuration les événements narrés. Et c’est grâce à une écriture poétique qu’il est plus facile au lecteur d’accepter la dureté des faits. L’auteur a d’ailleurs eu des choix de titraille très romancés tels que « L’aube du Jour », « Pesante légèreté », « La Muse du Café » ou encore « Il Pleut des Larmes ».
Il y a néanmoins un aspect de l’écriture qui m’a beaucoup moins accroché, c’est le fait qu’on ne découvre pas l’histoire d’un seul mais de nombreux personnages, souvent sans lien apparent entre eux et d’une manière désordonnée au fil des chapitres. Cela risque à mon avis de perdre les lecteurs à certains moments en éparpillant leur concentration lors des différentes prises de paroles des personnages (Louise, Hélène, Claire, Angela…). Ce n’est qu’à la toute fin qu’on saisit enfin le lien entre eux.
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