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Citation de congiu


Corine Sylvia Congiu
Tu as de longs seins secs comme des pruneaux secs qui te pendent sur le devant du corps.
Je me souviens du jour où tu m'emmenas au hammam. J'avais entendu mon père dire qu'il était inutile de donner une salle de bains aux arabes, qu'ils remplissaient leur baignoire de terre pour nourrir leur mouton.
C'était une plaisanterie qui le faisait rire, et les gens qui venaient chez nous.

Le hammam était en plein cœur de la médina. Les cases de terre s'agglutinaient entre elles comme des ruches sans plafond. Tous ces sexes mûris me figeaient les joues. Pullulation de féminité obscène qui ouvrait sur mon corps un futur imprévu.

Dans l'obscurité moite je m'étais arrêtée pour fixer tous ces corps au fond de ma rétine, les grappes mûres des seins et des ventres enduits d'huile, de vapeur.
A la lune changeante, tu avais fait mon henné et coupé les pointes de mes cheveux qui me coulaient jusqu'au-dessous des fesses. J'étais restée dans un silence de messe, les yeux écarquillés, à recevoir les cris lointains des femme
s et les rires, propulsés de loin en loin en échos engourdis.

C'est là que j'ai vu tes seins. Posé les yeux sans comprendre sur ces longs fruits vides, deux écoulements séchés, deux laves anciennes et molles.
Je n'avais jamais vu les seins de ma mère, juste son soutien-gorge, ou il y avait longtemps, ou je ne m'en souvenais plus.

Tu as trempé tes serviettes blanches dans le seau que tu avais apporté, et tu as fait couler l'eau tiède sur mes épaules. Tordant le coton très fort, lentement, puis sur les tiennes, sur ton ventre et sur tes cuisses. Baptême dans la vapeur parfois opaque. Je ne bougeais pas mais je n'étais pas figée. Un contact léger, comme un signe, suffisait à me faire tourner sur moi-même pour te permettre de continuer la toilette. Je venais de comprendre brutalement une similitude, tu n'étais plus cette chose immémoriale qui m'effrayait un peu. Tu étais comme un peu moi dans un futur flétri.

Et toutes ces femmes tout autour, bruyantes ou silencieuses, rieuses ou calmes, me prenaient dans leur mouvance, leur chaleur, transpiration, noyade, hypnose, dolence, appartenance. Mes yeux n'ont plus semblé posés ici ou là, ils s'en allaient au loin, loin devant. Si peu poursuivant une pensée, tellement bercés par elle, un abandon.

Je les voyais enfin, ces lèvres violacées, ces pilosités entre les fesses des femmes qui se penchaient en avant pour puiser l'eau des seaux. Les balles grasses aux mamelons brunâtres bondissaient mollement sous la pression des doigts qui savonnent...
Je ne me sentais jusqu'alors ni d'un sexe ni de l'autre.
Par delà le dégoût, la surprise sans joie que le ciel m'eût réservé celui-là.
Comme une aveugle docile, mon corps mollissait peu à peu sous tes doigts. Acceptation.
Tu t'es souvenue que dans une vie lointaine qui ne t'appartenait plus, une enfant s'était pressée à tes seins longtemps, refusant de quitter le creux de ton corps. Incurvé comme s'il avait toujours su le faire, recourbé en paume accueillant une souris ronde et chaude, qui palpite, et qui aurait dit :
- Tu vois, je suis à toi, je suis la seule chose qui sera jamais à toi, qui attend de tout te prendre jusqu'à sucer tes larmes, qui te mordra les seins jusqu'à ce que tu acceptes la douleur, qui t'apprendra ton corps comme tu ne l'auras jamais appris de l'homme".


























Tu as de longs seins secs comme des pruneaux secs qui te pendent sur le devant du corps.
Je me souviens du jour où tu m'emmenas au hammam. J'avais entendu mon père dire qu'il était inutile de donner une salle de bains aux arabes, qu'ils remplissaient leur baignoire de terre pour nourrir leur mouton.
C'était une plaisanterie qui le faisait rire, et les gens qui venaient chez nous.

Le hammam était en plein cœur de la médina. Les cases de terre s'agglutinaient entre elles comme des ruches sans plafond. Tous ces sexes mûris me figeaient les joues. Pullulation de féminité obscène qui ouvrait sur mon corps un futur imprévu.

Dans l'obscurité moite je m'étais arrêtée pour fixer tous ces corps au fond de ma rétine, les grappes mûres des seins et des ventres enduits d'huile, de vapeur.
A la lune changeante, tu avais fait mon henné et coupé les pointes de mes cheveux qui me coulaient jusqu'au-dessous des fesses. J'étais restée dans un silence de messe, les yeux écarquillés, à recevoir les cris lointains des femme
s et les rires, propulsés de loin en loin en échos engourdis.

C'est là que j'ai vu tes seins. Posé les yeux sans comprendre sur ces longs fruits vides, deux écoulements séchés, deux laves anciennes et molles.
Je n'avais jamais vu les seins de ma mère, juste son soutien-gorge, ou il y avait longtemps, ou je ne m'en souvenais plus.

Tu as trempé tes serviettes blanches dans le seau que tu avais apporté, et tu as fait couler l'eau tiède sur mes épaules. Tordant le coton très fort, lentement, puis sur les tiennes, sur ton ventre et sur tes cuisses. Baptême dans la vapeur parfois opaque. Je ne bougeais pas mais je n'étais pas figée. Un contact léger, comme un signe, suffisait à me faire tourner sur moi-même pour te permettre de continuer la toilette. Je venais de comprendre brutalement une similitude, tu n'étais plus cette chose immémoriale qui m'effrayait un peu. Tu étais comme un peu moi dans un futur flétri.

Et toutes ces femmes tout autour, bruyantes ou silencieuses, rieuses ou calmes, me prenaient dans leur mouvance, leur chaleur, transpiration, noyade, hypnose, dolence, appartenance. Mes yeux n'ont plus semblé posés ici ou là, ils s'en allaient au loin, loin devant. Si peu poursuivant une pensée, tellement bercés par elle, un abandon.

Je les voyais enfin, ces lèvres violacées, ces pilosités entre les fesses des femmes qui se penchaient en avant pour puiser l'eau des seaux. Les balles grasses aux mamelons brunâtres bondissaient mollement sous la pression des doigts qui savonnent...
Je ne me sentais jusqu'alors ni d'un sexe ni de l'autre.
Par delà le dégoût, la surprise sans joie que le ciel m'eût réservé celui-là.
Comme une aveugle docile, mon corps mollissait peu à peu sous tes doigts. Acceptation.
Tu t'es souvenue que dans une vie lointaine qui ne t'appartenait plus, une enfant s'était pressée à tes seins longtemps, refusant de quitter le creux de ton corps. Incurvé comme s'il avait toujours su le faire, recourbé en paume accueillant une souris ronde et chaude, qui palpite, et qui aurait dit :
- Tu vois, je suis à toi, je suis la seule chose qui sera jamais à toi, qui attend de tout te prendre jusqu'à sucer tes larmes, qui te mordra les seins jusqu'à ce que tu acceptes la douleur, qui t'apprendra ton corps comme tu ne l'auras jamais appris de l'homme".



















Tu as de longs seins secs comme des pruneaux secs qui te pendent sur le devant du corps.
Je me souviens du jour où tu m'emmenas au hammam. J'avais entendu mon père dire qu'il était inutile de donner une salle de bains aux arabes, qu'ils remplissaient leur baignoire de terre pour nourrir leur mouton.
C'était une plaisanterie qui le faisait rire, et les gens qui venaient chez nous.

Le hammam était en plein cœur de la médina. Les cases de terre s'agglutinaient entre elles comme des ruches sans plafond. Tous ces sexes mûris me figeaient les joues. Pullulation de féminité obscène qui ouvrait sur mon corps un futur imprévu.

Dans l'obscurité moite je m'étais arrêtée pour fixer tous ces corps au fond de ma rétine, les grappes mûres des seins et des ventres enduits d'huile, de vapeur.
A la lune changeante, tu avais fait mon henné et coupé les pointes de mes cheveux qui me coulaient jusqu'au-dessous des fesses. J'étais restée dans un silence de messe, les yeux écarquillés, à recevoir les cris lointains des femmes et les rires, propulsés de loin en loin en échos engourdis.

C'est là que j'ai vu tes seins. Posé les yeux sans comprendre sur ces longs fruits vides, deux écoulements séchés, deux laves anciennes et molles.
Je n'avais jamais vu les seins de ma mère, juste son soutien-gorge, ou il y avait longtemps, ou je ne m'en souvenais plus.

Tu as trempé tes serviettes blanches dans le seau que tu avais apporté, et tu as fait couler l'eau tiède sur mes épaules. Tordant le coton très fort, lentement, puis sur les tiennes, sur ton ventre et sur tes cuisses. Baptême dans la vapeur parfois opaque. Je ne bougeais pas mais je n'étais pas figée. Un contact léger, comme un signe, suffisait à me faire tourner sur moi-même pour te permettre de continuer la toilette. Je venais de comprendre brutalement une similitude, tu n'étais plus cette chose immémoriale qui m'effrayait un peu. Tu étais comme un peu moi dans un futur flétri.

Et toutes ces femmes tout autour, bruyantes ou silencieuses, rieuses ou calmes, me prenaient dans leur mouvance, leur chaleur, transpiration, noyade, hypnose, dolence, appartenance. Mes yeux n'ont plus semblé posés ici ou là, ils s'en allaient au loin, loin devant. Si peu poursuivant une pensée, tellement bercés par elle, un abandon.

Je les voyais enfin, ces lèvres violacées, ces pilosités entre les fesses des femmes qui se penchaient en avant pour puiser l'eau des seaux. Les balles grasses aux mamelons brunâtres bondissaient mollement sous la pression des doigts qui savonnent...
Je ne me sentais jusqu'alors ni d'un sexe ni de l'autre.
Par delà le dégoût, la surprise sans joie que le ciel m'eût réservé celui-là.
Comme une aveugle docile, mon corps mollissait peu à peu sous tes doigts. Acceptation.
Tu t'es souvenue que dans une vie lointaine qui ne t'appartenait plus, une enfant s'était pressée à tes seins longtemps, refusant de quitter le creux de ton corps. Incurvé comme s'il avait toujours su le faire, recourbé en paume accueillant une souris ronde et chaude, qui palpite, et qui aurait dit :
- Tu vois, je suis à toi, je suis la seule chose qui sera jamais à toi, qui attend de tout te prendre jusqu'à sucer tes larmes, qui te mordra les seins
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