Daniel Calin

Plus qu'au plaisir, la jouissance renvoie à l'excès de plaisir, aux débordements de l'excitation, à un au-delà du principe de plaisir, comme le soulignait Lacan. Ces avancées extrêmes de la pensée analytique, parfois quelque peu acrobatiques, retrouvent ainsi une signification présente dans la racine indo-européenne du terme, dans ce "gau-" qui ne renvoie pas seulement aux plaisirs ordinaires, mais aussi aux fascinations complexes de l'effroi sacré. Tout se passe comme si, avec l'essor de la pensée psychanalytique, notre langue avait renoué avec la source archaïque du terme "jouissance", avec sa dimension tragique édulcorée par les siècles de la raison, de la philosophie grecque à la modernité scientifique. Peut-être faudrait-il, désormais comme en des temps très anciens, définir la jouissance comme ce fil tendu au-dessus du précipice, ce court-circuit entre l'extrême du plaisir du corps vivant et la fascination de la décomposition et de la mort. L'orgasme n'est-il pas nommé, en notre langue, "la petite mort"?