Daniel T. Max

Voilà une bien passionnante épopée sur les maladies liées au prion, un agent pathogène causant une altération de l'organisme qui se caractérise par une dégénérescence du système nerveux central liée à la propagation des prions chez l'hôte infecté.

L'enquête commence en 1765 à Venise où un médecin d'une grande famille de Vénétie décède d'une maladie mystérieuse : insomnie chronique, difficultés respiratoires intermittentes et paralysie totale deux mois avant sa mort. C'est le début d'une longue malédiction, les prémices d'une maladie fatale et héréditaire qui va se transmettre de générations en générations : l'insomnie Fatale Familiale.

L'investigation se poursuit de façon chronologique avec l'apparition de la tremblante du mouton en Angleterre en 1772. Robert Bakewell, un éleveur de bétail, va jouer à l'apprenti sorcier en pratiquant la méthode du croisement consanguin sur son cheptel pour en améliorer les caractéristiques (bêtes plus grosses et charnues) et il en résultera la scrapie !

L'auteur nous emmène aussi en Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1947, sur les traces des Fore, tribu primitive cannibale dont la population est touchée par le Kuru (symptômes similaires à la tremblante), en Grande-Bretagne dans les années 1980 ou sévit la maladie de la vache folle...

Dans cette captivante enquête dont la rédaction aura pris plusieurs années à son auteur, nous croisons des Prix Nobels comme Max Delbrück et Linus Pauling, le très controversé Carleton Gajdusek et Stanley Prusiner qui reçoit le Nobel de Médecine en 1997 pour avoir démontré que le prion n'est ni un virus ni une bactérie mais bien une proteine qui a adopté un repliement anormal ! L'académie Nobel déclare alors que cette découverte dote la science d'un "nouveau principe biologique d'infection". Stanley Prusiner avait déclaré à l'époque vouloir trouver un reméde avant cinq ans, pour l'instant celui-ci reste toujours à découvrir !

En bref, "la famille qui ne dormait pas" est un ouvrage accessible aux néophytes qui souhaiteraient en savoir plus sur les maladies liées au prion, un excellent ouvrage d'introduction sur un sujet énigmatique et fascinant !


Lien : http://leslecturesdisabello...

Pourquoi ce livre?



Moins connaisseur de littérature américaine contemporaine, je n'avais jamais entendu parler de David Foster Wallace. Avec un ami, comme souvent passé le cap des deux pintes, nous nous sommes mis à élaborer une généalogie des œuvres littéraires liées de près ou de loin à l'Ulysses de Joyce. C'est ainsi que DFW s'est mis à flotter dans les tâches en arrière-plan de mon cerveau, comme un attrait discret mais certain. Un nom euphonique, un écrivain mort jeune, une cathédrale de mots toujours pas traduite plus de 17 ans après sa publication (la traduction d'Infinite Jest vient en fait de paraître) : tout était en place pour une nouvelle fascination, une nouvelle plongée. J'ai mis la main sur le grand roman, en anglais, et, au hasard d'une déambulation dans une librairie d'Ottawa, je suis tombé sur une biographie de l'écrivain et j'ai décidé de m'en servir comme d'une introduction à l'œuvre.



Un premier aspect qui m’a plu :



Il va de soi qu'une part importante de l'intérêt d'une biographie réside dans le personnage principal, encore faut-il le talent du biographe pour régler la mise en scène. En l'occurrence, la matière première est puissante et intelligemment présentée, les côtés plus sombres (dépendances, angoisses, relations amoureuses teintées d'égoïsme) et les plus lumineuses : amour absolu pour le langage, l'écriture, la pensée. Il s'agit d'un portrait sans concessions, qu'on sent voulu le plus juste possible, d'un homme ayant mis au centre de sa vie l'écriture, valeur absolue, au détriment peut-être du reste.



Un second aspect qui m’a plu :



Bien que le titre annonce une « vie » de l'homme, une attention sensible et intelligente encore une fois est aussi prêtée à l'œuvre de l'écrivain, non seulement aux rapports entre éléments biographiques et écriture, mais à la nature et à la structure de l'œuvre en elle-même, de telle sorte que bien que la biographie tienne en quelque 300 pages, elle constitue une réelle et suffisamment substantielle introduction à la lecture de cette œuvre gigantesque. Le biographe en esquisse la genèse, en suit le développement et la situe dans le réseau des lectures et des contemporains de l'écrivain.



Un aspect qui m’a moins plu :



Que lui reprocher sinon une absence de documents iconiques - choix éditorial - ou le fait que nous en aurions pris encore une ou deux centaines de pages supplémentaires pour aller encore plus loin dans la lecture des œuvres - on retrouvera ces pages dans un essai littéraire ? Une bibliographie critique ? L'auteur a tiré la plus grande partie de sa documentation dans des entretiens avec les proches de Foster Wallace et dans la correspondance de ce dernier. Aurait-on pu retrouver plus de cette dernière dans la biographie ? L'équilibre certain du livre en aurait sans doute souffert.

Non, ce livre n'est pas un thriller à la Stephen King, comme le titre pourrait le laisser penser. Il s'agit d'un essai médical, tout aussi terrifiant, sur une étrange maladie : le syndrome de l'insomnie fatale familiale (IFF), une maladie dégénérative qui attaque impitoyablement le cerveau et dont le symptôme le plus spectaculaire est une impossibilité de dormir. Cette maladie rare touche quelques centaines de malades dans le monde, et parmi eux les membres d'une famille italienne depuis le XVIIIème siècle. En nous racontant cet étrange syndrome, l'auteur nous entraîne jusqu'en Papouasie car parler de cette maladie du sommeil c'est aussi raconter ce qu'est le prion, à l'origine de l'IFF. Le prion, que le grand public a découvert avec la maladie de la vache folle, a révolutionné depuis quelques dizaines d'années la médecine. On découvrait à cette occasion qu'une maladie pouvait être déclenchée par un organisme non-vivant, une protéine quasi indestructible ! Un livre de vulgarisation sur la médecine passionnant.