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Citations de David Isaac Haziza (2)


Du point de vue de la Kabbale, la transgression des interdits pouvait parfois jouer le rôle théurgique que j’ai évoqué plus haut. Si vous m’avez suivi, c’est précisément l’inverse de la notion déjà très radicale de la fabrication du divin par les rites : en effet, une chose est dire que l’homme fait Dieu en se conformant à Sa volonté, autre chose de prétendre qu’il peut le faire en Lui désobéissant. Or les disciples de Louria parlèrent en termes fort peu ambigus de l’importance du péché dans l’histoire de la Rédemption. En vérité, Joseph Gikatilla était déjà l’auteur d’un ouvrage consacré au secret de l’union de David et de Bethsabée et il suffira de rappeler que la Bible elle-même fait le choix de systématiquement rapporter le scabreux où s’enracine la lignée davidique, pour comprendre qu’il y a un mal et un bien, mais que leurs relations sont tout sauf simples.

Ce lien entre mystique et transgression éclata, soit dit en passant, dans la magie, vaste champ du judaïsme encore relativement méconnu. Le Séfer Harazim par exemple, ou « Livre des secrets », qui n’est pas traduit en français à ma connaissance, enseigne un certain nombre de recettes mystico-magiques qui sont autant de violations de la Loi, soit parce qu’y intervient la consommation d’aliments interdits, du sang en particulier, soit parce qu’on y vénère les anges protecteurs à l’égal de divinités. En un sens, c’est bien normal et certains diraient que c’est en fait ce qui sépare la magie de la « vraie » théurgie religieuse : je crois pourtant que ces sacrilèges trouvaient leur source dans le judaïsme même.
(…)
Scholem a étudié la pensée et les vies de deux qui prônèrent, au XVIIe siècle et au XVIIe notamment, la rédemption par le péché. Loin d’être un élément anecdotique, un épiphénomène, les racines de ces théologies de la transgression s’enchevêtrent au plus intime d’Israël. L’idée que la rédemption doive s’obtenir par une descente à l’abîme, en s’embourbant dans le fouillis des écorces, du pus, des sanies et du sang, pour n’avoir été formulées aussi explicitement qu’assez tardivement, n’en était pas moins présente dans les temples les plus anciens, spectrale, ventriloquant de loin en loin les Prophètes et Sages. Le roi David, lit-on presque au début du Talmud, dans le Berakhot, s’adresse par exemple en ces termes à l’Eternel : « Ô Maître du monde, ne suis-je pas pieux ? Quand tous les rois d’Orient et d’Occident profitent de leurs courtisans dans la gloriole, moi je plonge mes mains dans le sang des règles et le placenta… » Quoiqu’il y ait une explication légale plus simple, l’attitude de David me semble bien, du point de vue mystique, celle d’une sainte ruse visant à se tremper aux eaux du mal pour en relever les étincelles souillées. (pp. 199-202)
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« Que ne m’as-tu été donné pour frère, tétant les seins de ma mère ? Te trouverais dehors et même si je t’embrassais, on ne me mépriserait pas.
Te conduirais, t’emmènerais à la maison de ma mère ; là tu m’instruirais… »

Impureté suprême pour Michelet, provocation. La dévergondée voudrait ajouter le mal au mal. Forniquer n’est pas assez, elle voudrait le faire avec son frère.

Qu’est-ce que le tabou de l’inceste ? Un cas particulier du tabou du sang. Le sang, le néfech, les règles, sa mère et sa sœur, avant et après, c’est tout un, c’est l’origine du monde.

Pour quelques êtres sacrés, le tabou ne comptait pas : les Égyptiens connaissaient la peur de l’inceste, pas leurs pharaons. Les pharaons étaient des dieux et pour un dieu c’est différence, c’est même à ce prix que les dieux sont dieux ! De même Abraham épousa sa sœur. Oui, elle est vraiment ma sœur, dit-il en un passage étrangement moins connu que sa prétendue ruse pour se faire ignorer d’Abimélec. Qu’on se souvienne : le patriarche exilé chez les Philistins tait son mariage avec Sarah, pensant peut-être (mais le récit n’est pas clair) qu’on le tuerait, lui, pour l’obtenir, elle, si l’on savait la vérité. « Elle est ma sœur », sous-entendu : faites ce qu’il vous plaît d’elle. Où Abraham se livre au maquerellage pour sauver sa vie… Seulement, le roi qui a justement voulu mettre la main sur Sarah apprend en rêve qu’il commettrait ainsi un adultère ; elle est mariée à Abraham. Pourquoi m’as-tu dit qu’elle était ta sœur ? l’engeule-t-il alors. Fin de l’histoire pour sa partie (plus ou moins) politiquement correcte. Mais à cet endroit, Abraham répond – et j’ai mis quinze ans à prêter à ce passage l’attention qu’il mérite – que Sarah est bel et bien sa sœur, fille de son père et non fille de sa mère. Là, il ne ment probablement plus, ce qui signifie qu’il n’avait auparavant que menti par omission.

Le premier couple monothéiste, comme on aime à le dire, est un couple incestueux. Cette ruse étrange, rappelons qu’Abraham en use aussi en Égypte et qu’Isaac, son fils, fera de même, chez les Philistins à nouveau ; dans ce dernier cas, on a compris qu’elle était sa femme parce qu’on l’a vu la caresser d’une façon rien moins que chaste. (pp. 146-147)
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