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Critiques de Denis Lenoir (1)
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John Cassavetes

Sorti en 1996, six ans après la mort du cinéaste, ce livre est un des premiers livres à dresser une liste complète des films de John Cassavetes, composée tout au plus de douze films (dont deux qu'il reniera, ayant été "remontés" par les studios américains contre son avis), en proposer une étude approfondie et pertinente, dégager enfin ce qui fait la singularité indéniable du réalisateur le plus indépendant et le plus original du cinéma américain, qui a d'ailleurs toujours été plus reconnu en Europe qu'aux USA.

Les auteurs abordent également la biographie de Cassavetes, son parcours d'acteur et bien sûr sa famille au sens large, puisque les deux aspects de sa vie professionnelle et privée ont toujours été intimement liés, et au-delà ont nourri son imagination créatrice si féconde. Techniciens et comédiens sont tous des amis, ainsi que son public qui a été le premier à répondre à sa demande de souscription lors d'une émission de radio qui lui a permis de financer son premier film. L'accent est mis sur le combat incessant que John a dû mener contre les studios tout-puissants, son accès à une liberté chèrement acquise (il a notamment hypothéqué plusieurs fois sa maison), et on peut l'avancer, au détriment de sa santé. Car, derrière l'homme irrésistiblement sympathique, drôle, chaleureux, humain, se cachait un créateur angoissé, extrêmement exigeant, ennemi du système et de la télé, n'ayant de cesse d'inciter les spectateurs de ses films à s'interroger sur eux-mêmes, leurs choix de vie, leurs aliénations et leurs désirs.

Le livre analyse les principaux thèmes récurrents des films de Cassavetes:

l'amour, la folie, l'amitié, la famille, les tentatives désespérées d'affranchissements, mais aussi, en filigrane, le rapport à l'art, la création, présentés comme seules planches de salut pour ne pas mourir étouffé par les frustrations et les humiliations infligées par une société toujours plus inhumaine. Contrairement à une idée reçue, il y avait peu de place pour l'improvisation dans le travail de Cassavetes, ou alors en amont du tournage, lors de discussions avec les comédiens à qui John demandait un engagement total. Les héros de Cassavetes sont souvent des êtres que l'on rencontre à un moment de rupture, de leur milieu, quel qu'il soit, même s'il faut souligner qu'il est l'un des seuls en son temps à s'être intéressé à la classe moyenne américaine. Pour les amoureux de Cassavetes, dont je suis, ses films sont une mine inépuisable. Certaines personnes sont réfractaires à son univers, déroutées par le temps dilaté de certaines scènes, l'exacerbation des caractères, les images "non jolies", les ruptures de ton. Mais peu y sont indifférentes. Plus que tout, Cassavetes a offert au cinéma les plus beaux portraits de femmes, la plupart du temps incarnées par la fabuleuse Gena Rowlands, que ce soit l'actrice confrontée à un tournant de sa carrière de théâtre à la quarantaine (Opening Night), la mère de famille qui sombre dans la folie (Une femme sous influence), une solitaire amenée à protéger un enfant insupportable (Gloria), etc... Son film Husbands est aussi une des tentatives les plus réussies de peindre le portrait d'hommes en crise. Enfin, "Love streams", son film testament, réunit tous ses thèmes de prédilection à travers les retrouvailles d'un frère et d'une soeur, lui écrivain alcoolique cherchant à terminer un livre sur le "mystère féminin", elle, femme confrontée au divorce, à son mari et sa fille qui lui reprochent son "trop plein d'amour" et la fuient, frère et soeur si différents qui vont se retrouver ensemble pendant un certain laps de temps où ils deviendront tuteurs l'un de l'autre, pour se séparer de nouveau et continuer leurs vies chaotiques dans une nuit teintée de mélancolie.

On rit beaucoup dans les films de Cassavetes, on pleure, on se blesse, on hurle, les corps se touchent, s'enlacent et s'affrontent, s'embrassent et se cognent. Le jazz est souvent présent, comme les lieux de spectacles. On y voit des gens âgés, des femmes un peu rondes, des hommes maladroits et un peu lâches inconsolables de leurs rêves avortés. Les héros de ses films ont souvent l'air d'enfants perdus dans un univers où les enfants justement semblent les plus adultes.

Aujourd'hui, seize ans après l'écriture de ce livre incontournable, la famille Cassavetienne a bien changé : John le premier, puis Peter Falk, Ben Gazzara, sont morts. Gena Rowlands maintient l'esprit de famille, accompagnée des trois enfants conçus avec John, tous trois réalisateurs, mais bien plus sages et formatés.Ce livre très complet ressuscite pour notre plus grand bonheur Cassavetes le rebelle et insoumis, amoureux de l'humanité.
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