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Citation de Cielvariable


Ping Li finissait son quart de travail ; elle travaillait de nuit dans une blanchisserie. L’invention du quart de nuit était toute récente et permettait au patron de Ping de dire à ses clients : « Ce sera prêt demain ! » Ping aimait travailler la nuit pour différentes raisons. Cela lui permettait de travailler avec sa sœur Fang, sa seule famille en Amérique. Aussi, puisque le patron dormait la nuit, les deux sœurs pouvaient donc rire et s’amuser sans se faire réprimander.

Ping devait, entre autres tâches, inspecter les poches des vêtements pour s’assurer qu’aucun objet ne s’y trouvait qui pourrait saboter le travail, comme du papier ou bien des articles en métal pouvant endommager les machines. Elle devait mettre tous les objets trouvés dans un pot, propriété de son patron, mais elle gardait pour elle-même tout ce qui avait de la valeur à ses yeux : des pièces de monnaie (ordinairement des pièces de un cent), et aussi des boutons excentriques dont elle faisait la collection. Son manteau arborait d’ailleurs un gros bouton bleu ciel, un doré, un argent, un rouge et un jaune moutarde, tous de formes différentes. Et ce résultat coloré lui plaisait beaucoup.

À voir tous les trésors oubliés dans les poches des clients, Ping avait eu l’idée de fouiller dans les poches des passants. Une partie de l’art des pickpockets résidait dans leur capacité de passer inaperçus, ce qui était fort difficile pour Ping. Non seulement était-elle jolie, mais elle paraissait plus jeune que ses dix-sept ans. Elle plaisait donc aux jeunes hommes comme aux garçons. Mais ce qui frappait le plus chez elle, c’étaient ses yeux verts, d’un vert émeraude pur. Elle était assurément la seule Chinoise aux yeux verts de New York. Malgré son physique avantageux qui lui nuisait dans ses activités de pickpocket, elle avait réussi à développer une certaine habileté en la matière. Nombre de ses victimes n’avaient vu qu’une jolie fille passer, sans se douter que le portefeuille qui avait disparu de leur manteau était maintenant dans ses poches à elle.

En ce matin du 12 mars 1888, un froid horrible régnait sur toute la côte est de l’Amérique, comme si l’hiver ne voulait pas lâcher prise. Ayant quitté le ghetto pour quelques heures, Ping était allée se promener dans les beaux quartiers. Aucune connotation ethnique n’était encore rattachée au ghetto en question, mais il se définissait comme une zone de pauvreté et de délabrement, aussi bien des gens que des bâtiments. Située sur les pourtours des quais où vivaient la racaille, les laissés-pour-compte du Nouveau Monde et ceux qui n’avaient pas encore trouvé une place honorable, cette zone se trouvait exactement là où les riches ne voulaient pas vivre, ne serait-ce qu’à cause de l’odeur de misère qui imprégnait toute chose et toute personne.
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