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Citation de Charybde2


Pourquoi la littérature de l’imaginaire, et les dystopies en particulier, nagent-elles en pareille disgrâce dans le milieu de la littérature blanche française ? Quand sommes-nous devenus aussi sérieux et plombants – nous, dont les plumes et la langue engendrèrent des objets littéraires aussi indociles que Jacques le Fataliste, Pantagruel, Les Cent Journées de Sodome ? Pourquoi le reste du monde joue-t-il avec une si grande légèreté avec les genres, tandis que nous, en France, on se pince le nez et on détourne le regard ? Pourquoi le lecteur français dut-il attendre vingt ans avant de pouvoir lire en français ce chef-d’œuvre absolu qu’est L’Infinie Comédie, alors que dans le même temps Gabriel Matzneff recevait le Renaudot pour couronner une carrière naviguant entre diverses restitutions de ses infâmes expériences pédophiles ? Pourquoi faut-il être un Houellebecq pour s’aventurer en toute liberté dans les territoires de l’anticipation, tandis que le moindre récit des tourments du je reçoit des attentions bien souvent excessives ?
Comme ceci est un essai et non une œuvre de fiction, j’ai l’immense joie de déroger au show don’t tell et de te livrer, lecteur, ma réponse brute de décoffrage à ces questions : à la traditionnelle crise du réalisme que traverse le roman en ce difficile tournant de siècle, la réponse apportée en France est une prise de distance répugnée et hautaine avec les dimensions politique et fictionnelle du roman. À l’homme augmenté par sa fantaisie, au texte embrasé par le monde venant y faire intrusion, on préfère la mélodie pépère d’un moi hypertrophié, dont l’accomplissement premier est qu’il colle comme un fantôme importun aux basques de son auteur.
Publier un roman s’apparente dès lors à la création d’un métavers bien à soi où l’on invite l’autre – le lecteur – à prendre le thé. Des petits métavers individuels pour chacun qu’on s’amuse à admirer. Dans mon roman, j’ai appelé ces métavers des chambres d’irréalité. Sauf que dans mon roman, des hackers désobéissants ont inversé la logique en livrant dans ces chambres d’irréalité des bulles du monde réel que les individus obsédés par leur nombril ne peuvent et ne veulent plus voir. (Diana Filippova)
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