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Citation de COLPINDidier


"PREFACE de THIERRY CRIFO

Les hasards de la vie et de la carrière paternelle conjugués, ont voulu, que, ado parisien branché, ou plutôt « dans le vent », pour coller aux expressions de l’époque, bien de son temps de ce temps-là, les sixties, mes sixties envolées, contre toute attente donc, je me retrouve, déchiré et certain d’être victime d’une injustice couperet, transplanté, croyais-je, comme dans le plus sanguinaire des goulags, à Laval, 53, préfecture de la Mayenne, trou du cul du monde s’il en était, pour moi, qui, à l’aise dans mes Clarks dernier cri, ne fantasmais que sur le Bus Palladium et le Drugstore Publicis !!!

J’y ai rencontré Didier Colpin. Nous sommes très vite devenus inséparables. Je me souviens de sa maison, de son garage transformé en boite de jour, tamisé, des slows des Aphrodite’s Childs et des Bee Gees, avant leur reconversion assassine et néanmoins opportuniste dans le Disco, du premier baiser de Françoise S., petite brune aux cheveux courts et au Shetland avantageux, de Françoise S, donc, qui me largua au bout de deux jours, des virées en mobylette dans la campagne verdoyante, bref d’une sorte de Fureur de vivre à la sauce Mayennaise.

Les hasards de la vie et de la carrière paternelle, encore eux, le Facteur sonne toujours deux fois, ont voulu que je me retrouve, très vite, au bout d’un an à peine, transplanté, une nouvelle fois, à Grenoble. Je me souviens de ce second départ, de cet exil imposé comme d’une déchirure. Ce fut le début d’une longue liste.
Chacun sa route, sa vie.
Je n’ai plus jamais revu Didier Colpin.
Ces quatre décennies ont tiré un trait, que je croyais définitif, sur l’épisode Lavallois, qui, s’il ne s’est pas avéré aussi fondateur que le Grenoblois, fait néanmoins parti de mon Panthéon personnel, peuplé d’ombres disparues et de souvenirs flous.
Définitif, rien n’est moins sûr, puisque par la magie de Google et Wikipédia, sans doute, Didier Colpin me contacta il y a quelques semaines, pour me demander cette préface.
Les hasards de la vie, ou plutôt la difficulté à vivre, car il s’agit bien de cela, ont fait que, contre toute attente, encore, bien qu’il n’y ait pas de hasard, jamais, mais un destin, toujours, je suis devenu écrivain, et Didier, poète. En son intérieur, comme tous les poètes, il est « à la rue, écorché vif » je veux dire, fragilisé, seul au monde, rongé au plus profond, par des questionnements « existentiels ». Questionnements, souvent, toujours, restés, depuis la nuit des temps, sans réponses.

Seul dans sa nuit créatrice, au grand jour sur un banc, invisible des gens bien pourtant montré du doigt, au fond d’un café sous l’œil sécuritaire d’un patron tiroir-caisse, dans le bureau de sa maison cosy, ou au « boulot », entre deux dossiers, contaminé par un spleen incurable, un spleen comme un miroir, le Poète, ici Didier Colpin, nous renvoie, avec ses mots, ses images, ses désillusions, ses blessures intimes, à notre propre image, notre propre et dérisoire condition d’être humain, condamné.
Con damné …

(J’ai osé ! Un écrivain, un poète, ça ose tout. C’est à ça qu’on les reconnaît. Et tant pis pour les esprits chagrins !)

L’amour, c’est quelqu’un qui vous donne de vos nouvelles.
Le poète aussi. Même si ces nouvelles ne sont pas très bonnes.
En parlant de lui, le Poète, parle de nous.
Au moins, on n’est pas tout seul.

Etre oui, mais qui, comment, à quel prix ?
Etre, oui mais il y a les autres.
Comme disait Brel, « Parce que les autres veulent pas… »
Comme Françoise S, qui il y a quarante cinq ans, n’a pas voulu.

Il est temps que je m’efface, ce n’est plus une préface, ça devient un cinéma. Vous l’avez compris, Didier Colpin est un poète. En 2014, à l’heure des tweets et des SMS, se coller à la poésie, s’épancher, parler de soi, s’appesantir, soit disant, sur son pauvre sort, se complaire dans ses larmes, écouter en boucle l’ écho somme toute rassurant de ses regrets et ses remords, comme diraient d’aucuns, « ça va pas bien, mon p’tit gars, faut consulter », tiendrait, à l’heure de la crise, des licenciements et des chômeurs exponentiels d’une inconscience, d’un ego, d’un narcissisme au mieux, d’une indécence, d’un aveuglement, d’une folie au pire.

Pleurer, crier, c’est un sale boulot, il faut bien que quelqu’un le fasse.


« Entre les matins du monde et aujourd’hui, je naissais… banal./ D’ici la fin de ce monde voir aujourd’hui je mourrai…banal./ Egaré dans ce monde sans sauf-conduit je suivais banal… »

« Notre vie est une amertume / Au passé pour toujours perdu / Aujourd’hui fonce dans la brume / Un demain au but entendu / Un grand froid où tout est posthume. »

« Seul face à l’océan aspiré par la brume / Vers d’autres continents l’amour s’envolera…/ La passion se meurt quand sa mèche encore fume / Au froid de sa chaleur demain se fermera. »

Le passé, le constat du temps qui passe, d’une vie qui touche à sa fin, la peur de cette inéluctable fin, l’amour, La Femme, muse indispensable, tout ici, entre ces lignes est dit. Ces extraits « volés », comme les baisers de Truffaut, sont les nôtres. Ils vous donneront, j’en suis sûr, l’impression troublante, de relire en voix off, votre propre journal intime….

Peut-être, alors, vous sentirez mieux.
Un temps
C’est toujours ça de gagné.

Thierry Crifo
Pigalle
Janvier 2014

PS : Où qu’elle soit, une pensée pour Françoise S.

Thierry CRIFO
Ecrivain, scénariste, parolier.
• Prix du Sang d'Encre - 2001, pour Paris parias (Gallimard).
• Prix des Terrasses du polar - 2004, pour J’aime pas les types qui couchent avec maman (Editions du masque).
• Prix du Lion noir - 2007, pour Paternel à mort (Editions du masque)."
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