D'ailleurs, dans les premiers temps, elle n'était capable de parler que de sa douleur, c'est-à-dire de parler de lui, uniquement de lui, de leur vie et de leur relation. C'est alors qu'elle avait évoqué devant moi toutes leurs pérégrinations (tranches de leur vie dont je ne connaissais pas grand-chose), leurs changements constants de théâtres, leurs gains misérables, avec, pour décor, la province en permanence affamée, alcoolisée et épuisée... C'était dur de l'entendre parler de tout ça, mais je faisais tout pour qu'elle verbalise, comme disent les psychologues, qu'elle évacue toutes les choses négatives, même si, Dieu m'est témoin, on ne sait jamais vraiment, dans toutes ces histoires, à quel moment crève l'abcès plein de pus et quand l'âme commence à perdre son sang.