Critique de Chloé Brendlé pour le Magazine Littéraire
On connaît la réponse que fit Queneau à Duras après avoir lu son premier manuscrit, Les Impudents. Le roman était imparfait, mais derrière, il y avait bien un écrivain. On connaît moins les lettres des aspirants écrivains, qui, pour la plupart, se verront refuser l’adoubement de la publication. Dominique Charnay a eu la réjouissante idée de réunir dans un livre les missives adressées à Queneau éditeur chez Gallimard. Dans ce petit salon des refusés, on ne croisera donc pas de célébrités, mais des anonymes de tout poil. L’un est graveur, l’autre collégien, l’un écrit au sujet du manuscrit de sa femme, l’une s’inquiète de l’engouement de son neveu pour la poésie… Certains demandent d’emblée des avances, d’autres semblent reculer et voudraient reprendre leur manuscrit, comme celui-ci expliquant ses corrections : « Villiers n’est plus tué, il n’y a plus d’inspecteur, partant plus d’enquête, et enfin Catherine ne se suicidera pas. » Certains donnent presque à Queneau du « mon ami », d’autres sont à deux doigts de l’insulte ; certains le remercient pour son avis négatif (« Quoi qu’il en soit, je ne me torture pas l’esprit pour si peu car… je me marie le mois prochain. »), d’autres le trouvent trop positif : « J’eusse aimé que vous fussiez moins aimable. ». Certains confessent leur timidité : « Pour avoir le courage de vous écrire, je suis en train de boire de l’extrait de fenouille [sic] avec de l’eau plate. ». D’autres proposent à l’auteur de Zazie dans le métro de passer le voir rue Sébastien-Bottin : « Je ne suis pas porté sur la discussion littéraire ; mais, par contre, je ne me défends pas trop mal sur le sujet des femmes ». Il ne faudrait pourtant pas réduire cette précieuse collection à un simple bêtisier. Comme Paulhan, autre grande figure des années NRF, publiant dans son tableau de la poésie française des poètes inconnus et piètres versificateurs, Queneau s’intéresse, non sans tendresse, aux écrivains du dimanche. Il prend le temps de leur répondre, et ne se contente pas du sempiternel alibi des lettres de refus poli. La parution des Fous littéraires (Gallimard, 2002) témoignait déjà de l’attirance de l’écrivain pour les graphomanes en délire. Cher Monsieur Queneau, par sa drôlerie, volontaire ou non, mais aussi par sa sincérité parfois très émouvante, montre en creux (l’auteur n’a pas conservé ses propres réponses), l’attachante personnalité d’un écrivain populaire. Les débutants, tout comme les récidivistes inconditionnels, provinciaux pour la plupart, se sentent proches de ce touche-à-tout guère conventionnel de la littérature. Leurs lettres recèlent d’anecdotes ; elles confessent, quand ce n’est pas un vice, la passion d’une vie. L’une des réussites de cette édition est aussi de présenter des fac-similés de ces envois manuscrits : restituant son pouvoir de suggestion à la graphie elle-même, elle suscite sans cesse l’imagination romanesque du lecteur…
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Cher Monsieur QUENEAU de Dominique CHARNAY:
Les passage les plus marquant à mon sens:
- Lettre du furieux: page 29.
- Entretien avec georges CHARBONNIER: page 26 et 27.
- Nous sommes vingt-quatre à avoir écrit ces 150 pages: page194.
- Mon éventail est vaste: page 207 à 217.
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