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Citation de wentworth23


Été 1890. À quelques kilomètres du village de Gassin, au milieu des mas et de leurs vignobles, se cache une villa somptueuse. Le soleil tout juste levé chauffe déjà tout ce qui se trouve sur son passage, et ce inlassablement jusqu'à la nuit, qui survient tard... Les stridulations des grillons fendent le ciel. L'opulente demeure semble endormie dans la torpeur ambiante. Ici, sous la chaleur et la luminosité accablantes, tout aspire au repos, au relâchement. Rien ne presse, personne n'exige quoi que ce soit. Jeanne Martin, alanguie, somnole dans la salle de séjour ouverte sur le plan d'eau décoré d'angelots à jamais immobiles, et se demande combien de temps encore elle pourra préserver cet état de plénitude dans lequel elle se complaît. Elle tend la main vers le plateau en argent, posé sur l'élégante table de fer forgé garnie en permanence de pêches, de prunes et de figues gorgées de soleil, cueillies à même les arbres du jardin. Elle saisit un fruit juteux, le savoure lentement. De sa main libre, elle agite en un mouvement régulier un éventail d'ivoire finement ciselé qui envoie vers son visage un souffle d'air frais. Si tout pouvait rester ainsi, figé dans la chaleur et la beauté.
Par habitude, elle porte une main caressante sur son ventre et réconforte le petit être lové en elle, l'enfant qui l'accompagne partout où elle va, cette vie qui l'habite et à qui elle s'adresse, constamment, pour un oui ou pour un non... ¥e jardinier est encore soûl, ce matin... Il vient de tomber, les quatre fers en l'air, au beau milieu des roses... La jeune femme commente tout ce qui fait son quotidien, comme si elle se confiait à quelque ami imaginaire. Depuis plusieurs mois, aucun de ses camarades d'autrefois n'est venu ni la saluer, ni prendre de ses nouvelles. Elle s'est exilée. Elle n'a d'échanges qu'avec les employés de la maison, gentils, polis, mais distants. Quelle importance, se répète-t-elle pour se convaincre, tous ces gens qui se disaient mes amis m'ennuyaient, de toute façon ! Je n'ai que ce que mérite une femme adultère, une maîtresse qui s'est offerte à un homme interdit, son propre beau-frère, l'époux de sa soeur unique et adorée !
Jeanne ne peut réprimer un soupir que Mariette, la femme de ménage assignée à l'entretien de la villa, remarque :
- Si vous avez envie de quelque chose, Madame...
- Avez-vous des enfants, Mariette ?
- Bien sûr, Madame, j'en ai trois déjà, des garçons bien costauds.
- Puisque vous avez l'expérience des enfants, vous devriez pouvoir m'aider. Je voudrais empêcher que le mien vienne au monde.
- Au point où vous en êtes, il est beaucoup trop tard... D'ici un mois, deux tout au plus, vous serez libérée; et je me trompe rarement là-dessus.
- Vous ne saisissez pas. Je veux garder ce bébé en moi, qu'il vive en moi, toujours... implore-t-elle tandis qu'une larme roule sur sa joue rosie par le soleil de Provence.
- S'il existe un moyen, je ne le connais pas, Madame, et vous m'en voyez bien désolée. Je vous jure que si je savais... rétorque la pauvre Mariette, gênée par les lubies de plus en plus étranges de sa patronne.
- Faites qu'il ne naisse pas, Mariette, et j'assurerai votre avenir...
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