Tu roules toute la nuit, et dans la matinée du lendemain, tu traverses un tunnel assez long, assez noir, pour que tu aies nettement l'impression, l'ayant franchi, d'avoir changé de monde.
Enfin, tu as atteint la terre promise ! Plus de mensonges ; plus de fantômes ; mais une réalité irrécusable, si belle que tu ne songes plus beaucoup à te rendre à tous ces rendez-vous chimériques que tu t'étais assignés.
Le bonheur d'être en Italie est d'abord un bonheur physique, parfaitement égoïste.
Cette Italie des bibliothèques et des musées, cette Italie des années de préparation et d'apprentissage, certes, tu ne la répudies pas, mais - du moins dans les premiers temps de ton séjour - elle est là en quelque sorte "par dessus le marché".
Tu découvres que, dans toutes ces "villes d'art", dans toutes ces "villes musées", il n'est pas du tout indispensable, pour être heureux, de vivre dans le passé, de visiter studieusement, le guide en main, les monuments et les pinacothèques.
Les véritables sorciers, une fois que l'on est là-bas, ce ne sont ni Giotto, ni Bramante, ni Michel-Ange, ni les héros de l'histoire et de la légende, mais le ciel, le paysage, la lumière.
Rien, de loin, ne pouvait t'en donner l'avant-goût !...
(extrait de l'avant-propos inséré en début de volume paru aux éditions "Odé" en 1949)
Quelles idées, quelles images s'associent, pour la plupart d'entre nous au nom des États-Unis ?
Immanquablement celle du businessman Yankee, crieur de journaux promu Roi du pétrole, celle du Cow-boy, sombre et galopant, de la Star à la denture perlée, du gangster-kidnapper, le tout se détachant sur un paysage de gratte-ciel et de prairie.
(Avant-propos)
Eglise Saint Eustache au coeur des Halles:
Une des bonnes façons d'aborder les halles, c'est le métro qui vous fait sortir de terre à la pointe Saint-Eustache, vénérable carrefour presqu'aussi remuant qu'au temps de la Fronde. Saint-Eustache est la plus belle église de Paris après Notre-Dame; on est heureux qu'elle soit là, plutôt qu'une banque, pour bénir nuit et jour tous les biens de la terre, mêler ses orgues fameuses aux criées de la tomate et prêter ses vieux murs aux entasseurs de choux. Quand s'ouvre la porte du chevet, une bonne rumeur de foire vient déferler respectueusement dans la nef, avec une bouffée de poisson frais et d'ail écrasé pour corser l'encens des grand'messes.
p.119, "Des Halles au Marais", Jacques Perret
"Les jours enfouis sont toujours ensoleillés et fleuris." Léo Larguier