[…] notre démocratie est un césarisme administratif. Entre la démocratie et le césarisme, il y a affinité de nature : il faut lire à ce propos les pages que Proudhon a écrites dans Notes et éclaircissements ajoutés à la Justice sur le Jacobinisme et l'Empire. L'Empire est toujours la dernière pensée et la suprême ressource de la bourgeoisie, celle à laquelle elle pense, dès qu'elle se sent menacée un peu sérieusement : les Journées de Juin ont abouti au Coup d'État du 2 décembre; et depuis le 1er mai 1906, où elle a eu si peur, la bourgeoisie ne rêve plus que de pouvoir fort pour écraser ces satanés syndicalistes : c'est ce qui explique la marche accélérée de notre démocratie vers l'arbitraire et l'autoritarisme. L'ordre Napoléonien est un ordre purement gouvernemental, purement mécanique, purement bureaucratique, cher à une bourgeoisie affamée de tranquillité extérieure, d'affaires fructueuses et vivant au jour le jour; et cet ordre brutal, sans âme, tout matérialiste, est manœuvrée par la bohème : bohème bonapartiste, bohème républicaine, bohème socialiste, gens d'affaires et de plaisirs, société d'entretenus, pour ne pas employer un mot plus énergique et plus populaire.