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Citation de Woland


Sharon :

[...] ... Le jour vint où je sautai le pas. Mal ou non, j'allais à Sharon sans y être invitée par personne. Maman s'était rendue à une réunion paroissiale et Papa avait été appelé au pâturage parce que des vaches s'étaient échappées de l'enclos. C'était la fin de septembre, calme et dorée, l'école venait de recommencer. J'allai là-bas nu-pieds et je regardai par une fenêtre du petit salon. Il n'y avait personne. Je fis donc le tour de l'autre côté pour caresser et faire taire un chien qui m'avait regardée un peu de travers en aboyant sans conviction. Je regardai par la fenêtre du grand salon et justement, ils étaient là, tous les deux, oncle Hernan et Melissa, causant et souriant. Je voyais leurs lèvres remuer mais je n'entendais pas ce qu'ils disaient. J'avais peur d'être surprise en train de mal agir et de désobéir, et le sang battait dans mes oreilles. Mélissa était charmante et, comme elle souriait, ses dents blanches brillaient dans son doux visage basané. Mais c'était l'oncle Hernan, avec son bras tendu vers elle - il était assis dans un grand fauteuil à dossier sculpté si haut qu'il dépassait sa tête - dont le geste m'alla droit au coeur. Ce geste, qui reflétait si bien ce côté de lui que j'aimais, était pour elle et la protégeait comme il l'avait fait, maintenant je le savais, des centaines de fois. Elle vint près de lui et ils se penchèrent l'un vers l'autre, il la gardait bien à lui. Elle lui donnait son énergie et il s'en abreuvait, ils ne faisaient qu'un.

J'avais même oublié de trembler et je ne me rappelle plus comment je revins de Sharon à la maison. Je me souviens seulement m'être retrouvée dans ma chambre, assise au bord de mon petit lit, les mains croisées sur mes genoux, les oreilles pleines du tintamarre des enfants de Melissa jouant dans le fossé - ils tapaient sur une vieille bassine avec un bout de fer - et comment Melissa, exaspérée, leur avait hurlé des menaces du fond de la cour d'oncle Hernan. Elle en avait quatre et, s'ils avaient l'air bien sages le dimanche, c'était en semaine de vrais démons. Maman se plaignait d'eux et Melissa était parfois tellement hors d'elle qu'elle les battait à leur couper le souffle. Je les voyais d'un autre oeil maintenant. Leur terrible vacarme me semblait faire partie de moi, une partie proche et puissante plus réelle que le vacarme même, comme le sang de leurs veines. Ce sang était le nôtre, mêlé et confondu avec l'autre. Maman pouvait ruer comme un mulet, se débattre comme un chat sauvage pris dans un sac, elle n'arriverait jamais à l'expulser - il était là, et bien là. ... [...]
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