A ceux qui contemplent le fait divers avec un certain dédain, il faut conseiller la lecture de cet inédit, mis au point à partir du cours que Louis Chevalier a donné au Collège de France dans les années 1960 et 1970. Le titre, d’abord, rappelle fort à propos Balzac, grand dévoreur de ce qu’il appelait les « faits-Paris », tout comme Hugo ou Dumas.
Car l’expression - grammaticalement insolite - de « fait divers » n’apparaît qu’en 1872 sous la plume de Pierre Larousse. Pour autant, l’existence de ce que Voltaire nommait les « petits faits » est fort ancienne. En relisant Grégoire de Tours, Pierre de L’Estoile, Gédéon Tallemant des Réaux ou Marie de Sévigné, on note déjà que le fait divers nous en apprend long sur la comédie humaine.
S’appuyant sur une connaissance intime de la « société de Paris », celle formée par ce public curieux et bigarré auquel il a consacré son oeuvre, l’auteur nous avertit : « Ce n’est pas l’histoire, c’est le spectacle du fait divers que j’ai voulu observer. » Bourrée de références, la généalogie qu’il trace à grands traits soulève bien des questions. Comment l’insignifiant devient-il significatif, au point de faire naître un fait social considérable qui va parfois caractériser une époque, comme la bande à Bonnot aux lueurs du XXe siècle ? Quel lien faut-il établir entre la matérialité du fait et l’émotion qu’il provoque ?
Le regard posé sur les scandales politiques et mondains affaire Choiseul-Praslin, scandale des fiches autour du député Syveton, affaire Caillaux, drame de Louis Althusser n’est pas celui porté sur des scandales populaires, toujours plus sordides. Ces derniers ne sont-ils pas souvent montés en épingle par une presse naissante - Le Petit Journal , Le Petit Parisien , Le Figaro - qui découvre les dividendes qu’elle peut tirer de l’exploitation du sang.
Le fait divers, avec la part nécessaire de mystère et d’irrésolu qu’il comporte, fournit un matériau de premier choix aux romanciers comme Zola, Rosny, Leroux ou Zevaco. Le cinéma ne sera pas en reste, ancrant ses plus notables réussites dans une mise en scène réaliste et audacieuse des drames du quotidien. Toujours, le public suit. Peut-être parce que, comme le dit Louis Chevalier, « l’histoire du fait divers, c’est l’histoire d’une passion », et que la passion est éminemment humaine.
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